De plus en plus, la Guinée devient une République bananière. Depuis plusieurs décennies, le pays traîne dans le sous-développement chronique par la faute des dirigeants. Selon le classement de l’indice de développement humain (IDH), la Guinée se situe au 178ème rang sur 189 Etats. Egalement, près de la moitié de la population vit sous le seuil de l’extrême pauvreté. Le fossé des inégalités sociales se creuse de jour en jour entre les gouvernants et les gouvernés par le fait de la corruption et du détournement de deniers publics. Le secteur de la pension est l’un des plus touchés par ces pratiques devenus incurables.
En Guinée, le nombre de pensionnés de l’administration publique et de l’armée, est de 86.845 personnes selon les données officielles de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale des Agents de l’Etat sans compter le lot des retraités de décembre 2021. Le montant de la pension civile fait 74 milliards 876 millions 985 mille francs guinéens. Le cumule avec la pension militaire s’élève à plus de 120 milliards de francs Guinéens par mois, soit près de 15 millions de dollars américain.
Ces milliards qui sortent des caisses de l’Etat chaque mois pour être payés aux retraités, vont malheureusement en grande partie dans les poches des hauts cadres de l’administration publique. La magouille est entretenue entre plusieurs services, notamment la direction des systèmes informatiques du budget, la direction générale du budget, le ministère de la fonction publique, la direction nationale du Trésor, la pension militaire et la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale elle-même chargée de la gestion des pensions.
Pendant que de nombreux fonctionnaires pleurent le maigre salaire, des milliers de diplômés se plaignent du manque d’emploi, les étudiants réclament des meilleures conditions d’étude et la population appelle à l’aide de Dieu pour sortir de la précarité, les hauts commis des différentes entités citées ci-haut, continuent de se bâtir illicitement des « Trésors de guerre ».
La Caisse Nationale de Prévoyance Sociale des Agents de l’Etat (CNPSAE), est de nos jours, sans nul doute une « Mine d’or » au service de plusieurs cadres de l’administration Guinéenne et des officiers militaires. Sans état d’âme, ces cadres privent des milliers de pensionnés de leurs dus et le peuple des ressources devant servir à l’amélioration de leurs conditions de vie.
En plus de toutes les pratiques mafieuses que nous avions citées dans nos précédents articles, nos enquêtes viennent de nous ouvrir les yeux sur d’autres manœuvres non des moindres qui favorisent ce détournement d’argent public.
Au niveau de la direction de la CNPSAE, les principaux services incriminés dans cette magouille et sur la base des documents que nous disposons, sont la Direction générale, la direction des prestations, le Conseiller technique, le service pension, le service informatique, le Secrétariat central, la cellule des archives, les trésoriers à l’intérieur du pays et les chefs d’agences. Voir le schéma ci-dessous.
Dans cette industrie de détournement généralisé et démesuré, l’un des noms fréquemment cités d’être l’une des pièces maîtresses ou l’un des cerveaux, se nomme Yoro Sidibé, ancien Directeur des prestations. A tous les niveaux, sur la base des éléments que nous disposons, sa responsabilité dans cette magouille est sans équivoque. Il était le patron de tous les chefs d’agences, le meilleur collaborateur des comptables et trésoriers de l’intérieur du pays. Plusieurs titres de pension et de réversion transformés en nouvelles concessions serait à son actif avec des majorations de plusieurs millions et des rappels sur plusieurs mois.
A titre illustratif, rien que pour six (6) titres de réversion (pensionnés décédés), 99.482.753 francs guinéens étaient payés chaque mois sur son instruction à la direction générale. Il y a plus de 3000 dossiers qui sont payés dans cette condition. Voir l’extrait du documents ci-dessous.
Par ailleurs, bien qu’étant à la retraite, l’ombre Yoro Sidibé demeure toujours à la CNPSAE. Selon nos informations, chaque fin de mois, à bord de sa voiture devenue son bureau, il reçoit des lots de bulletins de pensions d’une valeur de plus d’un milliard qu’il transfère à ses contacts dans les directions du Trésor à l’intérieur. Après le paiement des pensions réelles, le montant de la majoration qui reste en reliquat, devient leur butin lui et ses complices. Selon nos sources, le lot de bulletins qu’il a transféré au mois de mai dans une ville à l’intérieur du pays, fait un montant d’un milliard 331 millions de francs Guinéens.
Joint au téléphone, le concerné Yoro Sidibé, n’a pas daigné se prêter à nos questions et n’a non plus voulu d’une rencontre physique pour avoir sa version des faits. Pour les autres responsables incriminés dans ce réseau de détournement d’argent public, nous y reviendrons dans les épisodes suivants de notre enquête.
Mamoudou Babila KEITA