Avant la dissolution du gouvernement auquel il appartenait, le Garde des Sceaux, ‘’tout puissant’’ Ministre d’Etat de la Justice et des Droits de l’Homme, Alphonse Charles Wright, à l’en croire, s’était engagé dans une dynamique de lutte contre la corruption et le détournement de deniers publics. Au nombre des dossiers à forte suspicion de corruption sur lesquels il s’était braqué, figurent en bonne place les marchés publics passés dans les départements ministériels et dans d’autres organismes publics.
Nommé Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme en juillet 2022, Alphonse Charles Wright, a promis de faire de la lutte contre la corruption, l’une des priorités de son département. Dans sa fonction précédente de procureur général de la Cour d’Appel de Conakry, il avait fait plusieurs dénonciations et engager des poursuites judiciaires contre des anciens dignitaires du régime d’Alpha Condé.
Après une année et demie passée à la tête du département de la justice dans une controverse sans précédent, en raison notamment des nombreuses dénonciations des magistrats contre certaines de ses décisions jugées contraires à la loi, il a été élevé au rang de Ministre d’Etat en janvier 2024.
De cette date à la dissolution le 19 février 2024, du gouvernement auquel il appartenait, Alphonse Charles Wright, s’était donné l’image d’un homme ‘’vertueux’’ et d’un Ministre ‘’tout puissant’’, capable de défier quiconque au nom d’une politique pénale qui peine à rassurer les Guinéens sur l’indépendance de la justice depuis le 5 septembre 2021.
Début février 2024, il avait enjoint au procureur général de la Cour d’appel de Conakry et au procureur spécial de la Cour de Répression des Infractions Economiques et Financières (CRIEF), d’enquêter sur les marchés de l’Etat passés sous le règne du CNRD.
« Il est important à ce niveau que la lumière soit faite par rapport à l’octroi des différents marchés de l’Etat passés depuis le 5 septembre 2021, sur toute l’étendue du territoire national », disait-il.
Poursuivant, le désormais ex-ministre déclarait qu’au cours de l’exercice budgétaire 2022, l’État a passé 498 marchés en appel d’offres, 290 marchés de gré à gré et 2475 contrats par demandes de cotations.
En ce qui concerne le budget décaissé pour ces marchés, le ministre avance des montants colossaux.
« Pour ce qui est des appels d’offres, le montant se chiffre à 17 534 milliards 690 milles 357 francs guinéens. Pour les marchés de gré à gré, à 3 470 milliards 43 millions 182 mille 879 francs guinéens. Et pour ce qui est des demandes de cotations pour des contrats de 2475, vous avez 305 milliards 965 millions 327 milles 264 francs guinéens », avait-t-il indiqué.
Cependant, au nombre des marchés cités, une trentaine avaient été passés au compte du Ministère de la Justice, dont 29 contrats signés au temps du Ministre Charles Wright entre 2022 et 2023, pour un montant de soixante-quatre milliards quatre cent trente-sept millions quatre cent quatre-vingt-dix mille francs guinéens (64.437.490.000 GNF).
Ce montant représente l’enveloppe financière de vingt-neuf contrats signés sous son magistère, dont 5 par appel d’offre restreint, 13 par demande de cotation, 5 par appel d’offre ouvert et 6 par gré à gré. Sur la procédure de passation de ces différents marchés, 11 ont été passés en violations des dispositions du code des marchés publics.
Pour les marchés portant sur la maison centrale de Conakry, 5 contrats ont été signés par le Ministre Charles Wright, pour un montant de cinquante milliards sept cent trente-neuf millions sept quatre-vingt-quatorze mille francs guinéens (50 739 794 000 GNF). Cette enveloppe financière a été répartie comme suit :
– 2 127 268 900 GNF portant recrutement d’un cabinet pour la réalisation des études des travaux de rénovation de la Maison centrale de Conakry, signé le 29 novembre 2022, enregistré au numéro 2022/749/1/6/1/1/2/006 ;
– 7 405 390 820 GNF portant contrat de travaux de réhabilitation de la maison centrale de Conakry (Lot 1 travaux de rénovation), signé le 29 novembre 2022, enregistré au numéro 2022/750/1/1/2/1/2/006 ;
– 17 367 108 087 GNF pour les travaux de réhabilitation de la maison centrale de Conakry (Lot 2 travaux d’extension), signé le 27 novembre 2022, enregistré au numéro 2022/745/1/2/2/1/2/006 ;
– 13 205 232 854 GNF portant contrat de travaux de réhabilitation de la maison centrale de Conakry (Lot 3 travaux de Construction du Bloc des détenus R+1), signé le 29 novembre 2022, enregistré au numéro 2022/755/1/1/2/1/2/006 ;
– 10 634 796 325 GNF portant contrat de travaux de réhabilitation de la maison centrale de Conakry (Lot 4 travaux de construction du bloc Administratif, Sécurité et VRD), signé le 29 novembre 2022, enregistré au numéro 2022/759/1/1/2/1/2/006.
Autour de ces contrats, plusieurs questions se posent, notamment le choix de la dérogation (appel d’offre restreint) en lieu et place de la règle (appel d’offre ouvert) ? Les travaux susmentionnés, obéissent-ils aux exigences des dispositions relatives à l’appel d’offre restreint selon le code des marchés publics ? l’ex-ministre de la justice aurait-il des liens avec les entreprises contractantes ? Sur quel argument la Direction Générale du Contrôle des Marchés Publics, a fait passer ces contrats par appel d’offre restreint, à l’approbation du Ministre des Finances ? Pourquoi ce fractionnement des marchés de même type portant sur un même établissement ? Les montants des travaux ont été décaissés à quelle hauteur ? Et quel est le niveau d’exécution des travaux par les différentes entreprises ?
Ce sont entre autres ces questions et d’autres auxquelles nous allons tenter de répondre dans les jours à venir. Mais avant, les autres contrats passés par gré à gré et par cotation, feront l’objet d’un autre article.
Ce travail d’enquête de la rédaction d’inquisiteur.net, va s’étendre à l’ensemble des départements ministériels, sur les différents marchés publics passés en violation des règles de procédure et dont la nature dégage une forte sensation de corruption et de détournement de deniers publics.
Affaire à suivre…
La Rédaction