Alors que les attentions étaient cristallisées sur la Cour Suprême le mardi 24 janvier pour le délibéré du dossier de Dr Ibrahima Kassory Fofana, les magistrats de la Cour ont de nouveau décidé du renvoie au 31 janvier prochain. Il s’agit du septième (7) report depuis sa saisine au mois d’août 2022. Ce qui dorénavant, laisse planer le doute sur l’indépendance de la justice en cette période de transition.
Faut-il croire à l’indépendance de la justice et à l’existence d’un Etat de droit en Guinée ? Cette question, nombreux sont des Guinéens qui se la posent au regard du fonctionnement des juridictions nationales peu après le coup d’Etat du 5 septembre 2021. C’est le cas notamment de la Cour de Répression des Infractions Economiques et Financières (CRIEF) et la Cour Suprême dans la gestion des dossiers visant des anciens ministres d’Alpha Condé, poursuivis pour des faits présumés de détournement de deniers publics.
C’est entre autres l’ancien Premier ministre Dr Ibrahima Kassory Fofana, l’ancien Président de l’Assemblée nationale Amadou Damaro Camara, l’ancien ministre de la Défense Dr Mohamed Diané, l’ancien gouverneur de la BCRG Dr Lounceny Nabé, Oyé Guilavogui et Ibrahima Kourouma. Cela fait neuf (9) mois qu’ils croupissent dans la plus grande maison carcérale de Conakry sans la moindre preuve soutenant les accusations.
Pour le cas particulier de l’ancien Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, ses ennuis judiciaires ont commencé au lendemain de sa désignation en pompe à la tête du RPG-arc-en-ciel, le parti du Président déchu.
Pour rappel, c’est le 6 avril 2022 qu’il a été placé en détention sous le titre du flagrant délit par le procureur spécial de la CRIEF. Ne disposant pas d’élément tangible pour soutenir la flagrance, Aly Touré a fini par renoncer à cette poursuite en saisissant la chambre de l’instruction. Dès lors que cela a été fait, le mandat sous le titre de flagrant délit ne pouvait plus produire d’effet selon les dispositions du code de procédure pénale. Malgré ce mandat n’a jamais été renouvelé durant plus d’un mois.
Ce n’est qu’au 31 mai 2022 que la chambre de contrôle de l’instruction a, dans un arrêt, décerné un mandat supplémentaire de placement sous mandat de l’ancien Premier ministre, mais sans annuler le précédent.
Pire, selon les dispositions de l’article 214 du Code de Procédure Pénale : « Tout mandat précise l’identité de la personne à l’encontre de laquelle il est décerné ; il est daté et signé par le magistrat qui l’a décerné et est revêtu de son sceau.
Les mandats d’amener, de dépôt, d’arrêt et de recherche mentionnent en outre la nature des faits imputés à la personne, leur qualification juridique et les articles de loi applicable ».
Le même code de procédure pénale précise : « L’original du mandat doit être transmis à l’agent chargé d’en assurer l’exécution dans les délais les plus rapides.
Le mandat d’arrêt contient l’énonciation du fait pour lequel il est décerné et les articles de loi applicable.
Le mandat de dépôt est notifié à l’inculpé par le juge d’Instruction ; la mention de cette notification doit être faite au procès-verbal de l’interrogatoire.
Les mandats sont exécutoires dans toute l’étendue du territoire de la République ».
Malheureusement, jusqu’à date, ces formalités n’ont jamais été respectées.
Par ailleurs, les mandats du 6 avril et du 31 mai 2022 du procureur spécial et de la chambre de contrôle de l’instruction étant distincts, la violation de la loi devrait se faire constater par la nullité des deux actes.
Hormis ces faits précités, Dr Ibrahima Kassory Fofana a bénéficié de quatre (4) ordonnances de mise en liberté à la fois de la chambre de l’instruction et celle du contrôle de l’instruction de la CRIEF. Ces décisions, en dépit de leur soutenabilité par le manque d’éléments satisfaisants pour le maintenir en prison, n’ont jamais été respectées par le procureur spécial qui semble être dans le désire de faire plaisir à la junte que d’agir au nom de la loi.
L’autre ambiguïté dans le dossier Kassory, est la gestion qui en est faite au niveau de la Cour Suprême. Cette juridiction qui est la plus haute du pays, ne cesse de se donner les moyens pour retarder le délibéré concernant sa mise en liberté provisoire. De la date de sa saisine à ce mois de janvier 2023, par sept (7) fois le dossier a été programmé et renvoyé. La date qui est désormais indiquée pour donner probablement son avis est le 31 janvier prochain.
Delà, l’on se pose la question sur comment peut-on passer cinq (5) mois pour statuer sur un fait aussi minime que la demande de mise en liberté d’un accusé ? Surtout contre lequel les éléments d’accusations peinent à être prouvés ?
Visiblement, le système judiciaire de la Guinée est placé désormais sous la botte du CNRD et de son Président. Selon des sources anonymes, tout est en train d’être fait pour donner du temps au procureur Aly Touré, afin de monter un « faux procès » pour pouvoir obtenir la condamnation de Kassory Fofana.
Même si nous n’avons pas de preuve pour soutenir cette information, la conduite des choses amène à croire à cette thèse. Le but serait d’éteindre sa carrière politique jusqu’après les prochaines échéances électorales qui devront mettre terme à la transition militaire.
Comme le dira l’autre, les trois ennemis de tout pouvoir acquis par coup d’Etat, sont en premier lieu les anciens dignitaires, ensuite, les opposants politiques engagés dans la conquête du pouvoir et en dernier des acteurs ayant contribué à la réussite du coup de force. L’avenir nous en dira.
Nèma Prospère SOVOGUI