Dans son discours de prise de fonction, le ministre de la Justice Alphonse Charles Wright, a promis 65 projets dans son agenda. Plus loin, il a affirmé donner la parole aux actes. Trois mois plus tard, rien n’est de concret, en tout cas aux yeux des vrais connaisseurs, rien n’a été accompli.
Le constat des 100 jours de gestion, n’est autre que :
– La dégradation de l’Etat de droit
– Les violations répétées des droits humains en Guinée ;
– Les arrestations arbitraires des leaders sociopolitiques, etc.
Pourtant, sous le régime du Président Alpha condé, Foniké menguè arrêté et jugé pour des faits attroupement illégal et autres à l’occasion des manifestations du FNDC, a été libéré par le juge Alphonse Charles Wright pour des infractions non constituées. Dans son jugement, il avait estimé que l’arrestation de Foniké menguè était illégale et contraire à la loi. Aujourd’hui, ministre de la justice dans le gouvernement de transition, il fait arrêter le même Foniké Menguè pour les mêmes faits, a été kidnappé chez lui dans les environs de 01h 30 du matin. Il a fallu du temps pour découvrir le pseudo juge correct et sincère.
*De la nomination des magistrats*
Les nominations du ministre Charles dans les juridictions du pays, ont été faites sur la base d’un calcul politique, du favoritisme, du copinage et du clientélisme. Etant donné que la justice doit être impartiale et indépendante, la nomination des magistrats doit obéir aux principes réglementaires en la matière, notamment la loi organique fixant le statut de la magistrature. La procédure de nomination des magistrats du siège, chargés de rendre des décisions de justice est différente de la procédure de nomination des magistrats du parquet ou magistrature debout, chargés de requérir l’application de la loi dans le respect de l’ordre public.
Mais les dernières nominations faites sur proposition de Charles Wright, ont été tout sauf conformes à l’ordonnance organique du statut des magistrats.
L’autre observation sur la gestion du ministre Charles, ce sont les violations répétées de la présomption d’innocence dans les procédures. Or, Guy CANIVET, ancien premier président de la Cour de Cassation de la République française disait je cite : « On a laissé s’installer un système qui autorise à priori la mise en cause pénale de personnes par voie de presse, de manière sauvage, sans garantie, à partir de révélations incontrôlées, sans transparence, autorisant toutes les manipulations ! Que les personnes concernées soient reconnues coupables ou innocentées, les sanctions sont déjà tombées dès l’origine, de manière irrévocable, en portant des conséquences souvent beaucoup plus graves que des sanctions pénales », fin de citation.
Dès lors que la présomption d’innocence est violée par les plus hautes autorités judiciaires comme c’est le cas aujourd’hui, il faut le reconnaître, il vaut mieux être relaxé par les réseaux sociaux que par le tribunal.
L’honneur et la réputation des personnes honorables sont déjà souillés avant même le procès. Il arrive même que ces personnes perdent leurs postes. Quel dommage !
Tout homme a le droit de reconstruire sa vie en reconnaissant la faute commise, en en payant le prix. C’est pour cela que Victor Hugo fait d’un ancien voleur le héros des « Misérables ». Un pain volé… Le bagne de Toulon.
Considérant la disproportion de la sanction, Jean Valjean s’évade, non sans avoir « condamné la société à sa haine » (Tempête sous un crâne). Deux personnages antinomiques se le disputent. Pour le policier Javert, Valjean est un voleur et n’est que cela. Pour l’évêque de Digne, c’est un homme capable de devenir autre que ce qu’il a été. Premier roman existentialiste, Les Misérables de Victor Hugo pousse la liberté jusqu’au libre choix de soi, de sa façon d’être et de son être.
*L’existence précède l’essence.*
Pour que cette philosophie de la liberté fasse son œuvre, trois choses sont requises. D’une part, que la justice cesse d’être la vengeance. La loi du Talion n’est plus de mise. D’autre part, que la société civile, avec ses rancœurs immédiates et ses passions tristes, ne se substitue pas à elle ou ne prétende pas condamner un homme en le réduisant à un de ses actes.
*Sur les injonctions hâtives du ministre Charles*
Emouvant, le témoignage authentique de la première personne concernée, Samantha Geimer, mérite le respect pour sa grandeur d’âme. Elle déplore le procès médiatique fait à l’homme qui l’a violée en 1977. Lisons : « Une victime a le droit de laisser le passé derrière elle, et un agresseur a aussi le droit de se réhabiliter et de se racheter, surtout quand il a admis ses torts et s’est excusé ». Alors oui, le César du meilleur réalisateur est pleinement mérité par Roman Polanski, cinéaste admirable qui comme tous les vrais artistes, sait atteindre le sublime. Dans l’évocation des tragédies historiques issues de l’antisémitisme, son film « J’accuse » (2019) côtoie son autre chef d’œuvre « The Pianist » (2002), lui aussi bouleversant.
La justice, comme institution et comme exigence morale, nous permet de la reconnaître. La juste lutte pour l’émancipation des femmes, mesure authentique de l’émancipation générale, mérite autre chose qu’un ressentiment sempiternel et réactif. Ne méconnaissons ni la présomption d’innocence ni la liberté, la plus fondamentale de tout être humain : celle de se redéfinir.
Le ministre Charles Wright n’est pas une solution pour la justice guinéenne.
Billy KEITA, citoyen libre