Avec des revenus qui s’effondrent par manque d’annonceurs et des coûts qui augmentent, l’industrie des médias en Guinée, déjà extrêmement précaire, subit durement la crise économique liée à la pandémie de Covid-19. Mais pas seulement. Il y a aussi des manœuvres des pouvoirs publics pour éteindre des médias indépendants.
A cause de ces difficultés, la radio Lynx FM s’est éteinte depuis maintenant quatre (4) mois, contraignant la vingtaine de journalistes et techniciens au chômage. Et d’autres médias risquent d’emboîter le pas.
En effet, nombreux sont des médias (petit ou grand, audiovisuels, presse écrite ou en ligne) qui n’arrivent plus à faire face aux charges quotidiennes à plus forte raison assurer le salaire du personnel. Dans certains médias, depuis maintenant trois (3) mois, les employés ne sont pas en possession du salaire qui est d’ailleurs l’un des plus faibles de la sous-région. Comment alors joindre les deux bouts avec l’augmentation des prix sur le marché ? Certains journalistes sont obligés de prostituer leurs plumes pour survivre : faire des articles ou émissions d’éloge ou passer de bureau en bureau pour faire face aux besoins.
De l’autre côté, il y a le gouvernement qui aggrave la situation en soumettant notamment la presse audiovisuelle aux diktats de l’information officielle. Le ministère de l’information et de la communication a décidé de réquisitionner les médias audiovisuels pour la diffusion des messages de sensibilisation sans mesure d’accompagnement. Une note circulaire a été adressée à tous les patrons de presse. Conséquence, les partenaires de la santé (institutions, ONGs, programmes…) ne communiquent plus dans les radios et télévisions sous prétexte qu’il y a une décision du ministre qui oblige les médias à faire passer des messages gratuitement.
Et tout est fait pour asphyxier les médias notamment à travers les nombreuses taxes à payer. L’on profite même de cette situation de crise, pour tuer les médias indépendants jugés très critiques.
Face à cette situation inquiétante, certains confrères pensent que l’Etat doit mettre en place une aide d’urgence aux médias en détresse. Une proposition que je ne rejette pas en bloc, mais elle ne restera pas sans conséquences. Il faut craindre en effet, que cette situation de dépendance ne fasse accroître l’ingérence politique au sein du quatrième pouvoir, déjà infiltré par de puissants intérêts. Recueillir des fonds de sauvetage auprès du gouvernement en ce moment compromettra leur indépendance et leur liberté.
Que faut-il faire ?
La meilleure solution, je pense que les entreprises de presse doivent changer le modèle économique actuel qui est classique (basé sur la publicité, les couvertures médiatiques…). Il ne répond plus aux exigences du moment. Il faut alors explorer d’autres pistes notamment le numérique qui offre aux médias la possibilité de monétiser des contenus et se faire de l’argent. D’autres sources de revenus sont également à explorer. En parlant d’ailleurs de contenus, est-ce que nos médias en ont ? C’est l’autre question à se poser.
A défaut et compte tenu de la situation, il faut avec bien évidemment la compréhension des employés, procéder à la diminution des salaires et peut-être même du personnel. Les patrons de presse ne doivent pas avoir honte en prenant une telle décision. Dans d’autres pays, certains médias ont réduit le salaire de moitié et les plans de licenciement se sont accélérés. C’est la situation qui l’oblige et à titre d’exemple, au Nigeria, The Punch et Vanguart (deux des plus grands quotidiens du pays ont annoncé à un moment, des coupes budgétaires drastiques qui passent entre autres par des dizaines de licenciements au sein de leurs rédactions, en conséquence de la crise sanitaire. Ce qui se passe donc en Guinée n’est pas spécifique. Le monde entier en ressent les effets.
Et comme on le dit souvent, à des situations exceptionnelles il faut des mesures exceptionnelles.
Facely Konaté
Journaliste
Belle réflexion !