En focalisant sur “QUI” (le sujet d’une action) vous pouvez tomber dans l’illusion de la toute-puissance de l’homme charismatique ou, du moins, son caractère plus que déterminant, et croire qu’il suffirait alors de changer d’hommes pour changer un système.
En posant la question du “COMMENT ?”, vous allez vous évertuer à comprendre LE PROCESSUS en tant que mouvement complexe, plurifactoriel, surdéterminé (Althusser), combinant des actions, contradictoires ou non, de plusieurs acteurs avec des processus “sans sujets” dans un “rapports de forces” qui définissent une conjoncture et sa tendance. Et c’est dans cette conjoncture que vous pourrez alors mieux définir VOTRE position et le sens de VOTRE ACTION pour la faire évoluer en pesant sur les rapports de forces.
C’est une philosophie et une attitude qui m’ont plutôt réussi pour mener quelques réformes partout où je me suis trouvé en position de décider (Professeur, directeur de la culture, ministre, fermier…) sans trop surestimer mes capacités à bouleverser ou, au moins, à faire évoluer un système si je ne parvenais pas à mobiliser des acteurs , ayant parfois des intérêts plus ou moins divergents, autour d’objectifs intelligemment partagés.
Cette philosophie m’a également permis de prendre suffisamment de distance avec “le chef”, à quelque niveau qu’il soit, en me disant qu’il est lui-même plus déterminé (au sens althussérien) que déterminant dans une conjoncture ainsi décrite. Dans cette mesure, y compris durant la révolution, j’ai pu échapper au culte du chef et de l’homme charismatique, et à être plus attentif aux capacités collectives et…et à ses limites objectives.
Ceci étant, de disposer ainsi d’une bonne philosophie de l’action ne m’a pas empêché de me planter…et de continuer à agir du mieux que je peux.
Bailo Telivel Diallo, ancien Ministre