Selon le rapport d’Amnesty international sur les cas de violences en Guinée, au moins 70 manifestants et passants ont été tués depuis 2015, pendant les manifestations de rue. Un compte-rendu qui d’ailleurs a suscité des débats dans le pays. Interrogé par notre rédaction ce mercredi 20 novembre, Abdoul Gadiry Diallo a apporté des précisions autour de ce rapport et d’autres cas de violations des droits de l’homme.
Dans ledit rapport, Amnesty international a révélé les cas d’exactions au cours des manifestations par les forces de l’ordre et de sécurité. Même si le gouvernement affiche son opposition face à ce travail, mais ce rapport se fonde sur des recommandations issues du passage de la Guinée à l’examen périodique universel en 2010 et 2015, rappelle le président de l’OGDH.
« Chaque 4 ans, tous les pays du monde sont obligés de présenter une situation d’ensemble des droits de l’homme au niveau du territoire qu’il gère . C’est dans ce cadre que des recommandations ont été faites par les États en 2010. C’était le premier passage de la Guinée. Le deuxième était en 2015. Donc toutes les recommandations qui ont été faites à la Guinée à l’époque, il y avait deux options », rappelle-t-il.
Selon Abdoul Gadiry Diallo, l’ONG internationale de défense des droits humains s’est appuyée sur les recommandations du premier passage de la Guinée en 2010 et les recommandations du deuxième passage en 2015. Ceci, pour essayer d’apprécier entre ce qui a été fait et ce qui n’a pas été fait.
« C’est ça l’esprit de l’examen périodique universel et du rôle entre deux passages d’une ONG. Si je prends par exemple une des recommandations qui a été faite à la Guinée, c’est l’abolition de la peine de mort. Et la Guinée a décidé qu’elle va accepter d’abolir la peine de mort. Effectivement en 2017, la Guinée a aboli la peine de mort. Et ça, le rapport le reconnaît. Mais là où il y a peut-être un petit problème, c’est qu’avant que la Guinée ne décide de l’abolition de la peine de mort, il y avait des décisions de peine de mort qui avaient été prises et qui bénéficiaient d’un moratoire de fait. Il y a un moratoire de fait et un moratoire de jure », ajoute-t-il.
Autre engagement pris par la Guinée est le recours à la force pendant les manifestations.
« Depuis un certain temps on est à 20 morts pendant des manifestations. Où est-ce qu’on va classer cela? Est-ce qu’on peut dire que les manifestations sont libres et que l’usage disproportionné de la force n’existe pas? », s’interroge Abdoul Gadiry Diall, avant de rappeler que la seule chose que la Guinée devait faire, c’est de respecter d’abord les principes constitutionnels, à savoir la liberté de manifestation.
Dans les mois précédents, le premier ministre a pris l’acte d’interdire les manifestations de rue en Guinée. Or selon l’activiste qu’il n’a pas ce droit. Car c’est consigné dans la constitution.
« S’il n’y a pas un état d’urgence ou un état de consignation, un commis de l’Etat ne doit pas prendre unilatéralement une décision pour violer un acte adopté par l’assemblée nationale », évoqué le président de l’Organisation Guinéenne de Défense des Droits de l’Homme.
Poursuivant, il ajoute : « Le problème qu’on n’a avec les défenseurs des droits de l’homme est qu’on ne voit jamais le verre à moitié plein. On le voit toujours à moitié vide. Ce qui fait qu’aujourd’hui avec tout ce qu’on n’a constaté, il est difficile de dédouaner l’Etat guinéen quant à l’usage de la force et à l’interdiction des manifestations. On aurait pu le faire à une condition, quand la Guinée constate de telle situation, met en place des commissions d’enquêtes pour essayer de savoir qui a fait quoi. Si c’est l’opposition qui l’a fait, qu’on la poursuive en justice. Si c’est les forces de l’ordre qui l’ont commis, qu’on les poursuive en justice. Car on ne leur a pas donné cette autorisation », a-t-il recommandé.
S’agissant de la liberté d’expression, Abdoul Gadiry Diallo a rappelé les situations difficiles que traversent les hommes de médias en Guinée. En se basant sur les cas les plus récents, il mentionne le cas des journalistes blessés lors de la marche de protestation du FNDC sur l’autoroute le jeudi 14 novembre, à cela s’ajoute la fermeture de la radio continental FM.
« Tout ça, en violation d’un certain nombre de procédés. La Guinée veut dire que le rapport a exagéré. Mais il y a des vérités patentes qui se produisent aujourd’hui, qui font qu’il est difficile de défendre la Guinée lorsqu’il est question de parler des droits de l’homme au niveau national », regrette-il.
Dans son intervention, le président de l’OGDH n’a pas occulté de parler des cas de torture en Guinée. Certes, il l’a interdite en la criminalisant dans ses codes, mais une autre réalité se dégage.
« Cela n’empêche pas que des personnes soient victimes de tortures (…) Là où la Guinée est reprochable, c’est le fait qu’elle n’accompagne pas tous ces actes de mesures correctives sur le plan judiciaire », martèle le défenseur des droits de l’homme.
Kanté Mariam