Tel un voyage imprévu ou une confirmation de dernière minute, la Présidence Guinéenne a annoncé dans la nuit de ce vendredi 2 juin 2023, la nouvelle du déplacement du Président de la transition en direction de la Turquie. Comme objet, le communiqué fait mention d’une invitation du Président Recep Tayyip Erdogan à l’occasion de son investiture pour le compte de son 3e mandat à la tête de son pays. Ce voyage d’Etat hors de la sous-région ouest Africaine, est le premier du genre depuis l’arrivée au pouvoir du Colonel Doumbouya le 5 septembre 2021, à la suite d’un coup d’Etat.
D’abord, il faut rappeler que les relations d’amitié et de coopération entre la Guinée et la Turquie, date de l’époque Alpha Condé. Depuis, les investissements de la 8è économie mondiale, se multiplient en Guinée, notamment dans le secteur portuaire et agricole. Cette situation est l’œuvre d’une proximité inédite entre le Président Alpha Condé et son homologue Turc Recep Tayyip Erdogan.
Pour preuve, depuis son renversement du pouvoir par celui qu’il a toujours considéré comme son « fils » pour le mettre à la tête du Groupement des Forces Spéciales, Alpha Condé bien qu’il soit un citoyen Français, a préféré érigé son domicile chez son ami Erdogan. Celui-ci semble n’avoir jamais renié leur amitié consolidée à l’époque où il tenait les rênes de la Guinée.
L’autre fait matériel de cette relation de proximité entre les deux hommes d’Etat, est le refus catégorique de la Turquie de livrer Alpha Condé aux autorités militaires de Conakry malgré les menaces insistantes contre les dirigeants de la société Albayrak.
Face à l’impossible, la junte guinéenne par la diplomatie intelligente, a choisi de se passer désormais du dossier Alpha Condé pour privilégier les relations économiques entre la Guinée et la Turquie. D’ailleurs, de source très proche de la diplomatie turque, les dernières négociations entre les deux Etats, notamment dans le domaine des transports, ont davantage raffermi leur relation de coopération. Cela a fait gagner pour Mamadi Doumbouya, des points auprès de la diplomatie turque, indique la même source qui n’a tari d’éloges à l’endroit de Dr Morissanda Kouyaté, ministre des affaires étrangères de Guinée.
Selon les informations, le fait pour les autorités de la transition de lâcher du lest sur le cas Alpha Condé, cela aurait permis à la diplomatie guinéenne de négocier auprès d’Ankara, la participation du Colonel Doumbouya à l’investiture du Président Erdogan.
« C’est Dr Morissanda qui a fourni assez d’efforts pour rapprocher les positions des deux pays. C’est lui qui a réussi à obtenir le son homologue Turc la participation du Président Doumbouya à l’investiture du Président Erdogan. C’est une démarche très stratégique, donc un coup de balai réussi pour les autorités de la transition guinéenne », précise le diplomate.
Par ailleurs, faut-il considérer ce voyage de Mamadi Doumbouya comme une défiance vis-à-vis d’Alpha Condé ou une confiance en soi du chef de la junte quant à la stabilité de son pouvoir malgré les nombreuses contestations et spéculations ?
Partant du fait que Mamadi Doumbouya ne veut laisser aucune chance à son « mentor » d’hier, le Pr Alpha Condé, de saboter son pouvoir ou son autorité, peut-on considérer ce voyage comme une défiance. À partir du moment où c’est Alpha Condé qui a ouvert son pays à la Turquie, du fait qu’il (Alpha Condé), soit « intimement » lié à Erdogan, et au regard de l’importance de la Turquie pour la Guinée, on peut dire que Mamadi Doumbouya, pourrait bien user de son réseau et de sa position actuelle de Président pour dégager Alpha Condé de son siège d’ami auprès du Président Erdogan. Une manière de montrer que son ère est définitivement révolue.
Une défiance de plus après celle qui a été « orgueilleusement » orchestrée dans la gestion des funérailles de l’ex-première dame Hadja Djènè Kaba, la défunte épouse d’Alpha Condé.
Cependant, Alpha Condé, l’homme politique que l’on connait, est bien difficile à vaincre en définitif, surtout par un homme qu’il a lui-même fabriqué d’une certaine manière.
Par contre, cette grande première visite pourrait être à la fois une reconnaissance à l’international de l’homme fort de Conakry et considérée comme une affirmation de sa confiance en soi quant à la stabilité de son pouvoir et la fidélité de l’armée, hormis du fait que plusieurs citoyens ont prédit ces derniers temps, la fin de son règne à la tête de la Guinée.

Par ce même déplacement du Colonel Mamadi Doumbouya hors du continent africain, on pourrait en déduire aussi que les prétendus coups d’Etat annoncés contre son régime, ne sont que des affabulations ou le désir incertain qui ne perturbent en rien sa sérénité si bien sûr il y en a après tout ce qui se raconte dans les couloirs du palais Roi Mohamed 5.
En outre, il résulte de ce voyage d’autres éléments d’observations non des moindres. Dans la tradition des visites d’Etat, en tout cas dans plusieurs pays y compris la Turquie, les visites d’Etat sont soumises à des protocoles dus au rang de la personnalité qu’on reçoit sur son territoire. Ces protocoles commencent à l’aéroport dès la descente d’avion de l’invité, par le déroulement d’un tapis rouge et une réception de son homologue ou de son représentant direct dans la chaîne de commandement du pouvoir exécutif. Rien de tout cela n’a été observé à l’arrivée du Colonel Doumbouya en Turquie.

Dans la salle de réception avec le diplomate Turc, c’est seulement le drapeau du pays hôte qui s’y trouvait. Celle de la Guinée n’a jamais été affichée pour le respect de la souveraineté de notre pays.

Pour finir, depuis son départ de Conakry jusqu’à son arrivée en Turquie, aucune image n’a montré l’avion qui a transporté le Colonel Doumbouya. De source sure, c’est un vol de la présidence Rwandaise qui a été prêté pour permettre ce voyage officiel. Kagamé aurait même pesé dans la balance pour faciliter cette reconnaissance d’Etat de l’ancien légionnaire Français. Ce qui nous amène à poser la question sur la destination qu’a prise l’avion qui nous a été présenté il y a quelques mois comme un acquis de la gouvernance du CNRD et comme l’expression de la souveraineté nationale ?
Mamoudou Babila KEITA