L’émergence des coups d’Etat constitue de nos jours une menace réelle à la sécurité, la stabilité, la démocratie et l’Etat de droit dans les anciennes colonies françaises d’Afrique occidentale. Malgré les défis sécuritaires liés à la présence des groupes terroristes dans la région, les armées à travers des groupes d’officiers militaires semblent renoncer à leur mission régalienne qui est la sécurité et la défense de leurs territoires contre les menaces à la fois intérieures et extérieures, pour s’immiscer dans le jeu politique. A travers les armes destinées au combat contre les ennemis, ils renversent l’ordre constitutionnel légalement établi dans leurs pays pour prétendre mettre fin à la souffrance de leurs populations.
En général, la plupart de ces hommes armées qui s’imposent par le coup de force, sont motivés par quatre (4) raisons qui pour la plupart ne cadrent pas avec les aspirations réelles de leurs peuples. Il s’agit entre autres :
1. Des putschistes qui prennent le pouvoir avec une certaine volonté de changer les choses, malgré qu’ils sont pour la plupart conscients de ne pas pouvoir apporter quelque chose de grand ou de miraculeux qu’un régime légal et légitime n’a pas pu faire. Cela parce qu’ils n’ont ni le temps, ni le crédit, encore moins les moyens de leurs ambitions.
En se référant à l’histoire, ils sont moins nombreux.
2. Des putschistes qui viennent au pouvoir parce qu’ils sont avides du pouvoir. Ils sont conscients qu’ils n’ont aucune notion de l’Etat et ne disposent d’aucuns instruments (formation ou expérience) préalables pour aider à la réalisation des objectifs de développement de leurs pays. Ce sont souvent des gens qui font du mensonge leur argument pour amadouer leurs peuples. Ils gouvernent dans le faux mais donnent l’impression d’être en train de redonner la dignité et la souveraineté à leurs pays.
Ils sont les plus nombreux à avoir dominé l’histoire de leurs pays au 20ème siècle.
3. Des putschistes qui viennent au pouvoir par cupidité parce qu’ils veulent tout juste baigner dans la richesse quels que soient l’origine, les moyens ou les conditions d’acquisition. Ils sont prêts à tout et s’en foutent de la misère des autres. Ce sont des gens qui perpétuent leur pouvoir par des pratiques de corruption et d’enrichissement illicites démesurées mais qu’ils passent sous silence. Ils s’attendent à tout moment à leur départ du pouvoir raison pour laquelle ils s’assurent de toutes les possibilités et garanties nécessaires pour échapper au contrôle, afin d’échapper à toute forme de reddition des comptes.
Ils sont nombreux à prendre le pouvoir mais très peu d’entre eux réussissent dans leurs objectifs. Des exemples, il y en a dans certains pays d-Afrique francophones.
4. Des putschistes qui viennent au pouvoir par camouflage, guidés soit par l’esprit de vengeance, soit par l’impérialisme pour se venger et sauvegarder leurs intérêts au détriment des intérêts supérieurs de leurs peuples. Ce sont des pouvoirs dont le comportement des acteurs ressemble à un film où le réalisateur est dans l’ombre en train de bénéficier gros et l’acteur sous le feu des projecteurs en train d’exécuter ce qu’on lui dit de faire. Ce type de pouvoir est incertain et sa durée de vie ne tient qu’au respect des ententes avec leurs maîtres et au réveil des consciences des peuples. Ce sont eux qui font de la répression leurs armes pour étouffer toutes les voix discordantes.
Ils ont existé dans le temps et sont en train d’être réinventés comme une machine-outil dans certains pays d’Afrique francophone.
C’est ce dernier type de putsch que feu Président Ahmed Sékou Touré n’a cessé de dénoncer dans son discours sur la défense des peuples d’Afrique intitulé : <<LA RÉVOLUTION ET LES COUPS D’ÉTAT MILITAIRES (1966) >> dont voici l’extrait :
« L’impérialisme qui combat par tous les moyens l’avènement d’une Afrique authentiquement Africaine, a déclenché, il y a quelques années, sa campagne de désorganisation des bases de nos jeunes États. Aux États-Unis, en France, en Grande-Bretagne, en Union Soviétique, en Allemagne, les Forces Armées, sont composées de centaines de milliers d’hommes disposant d’armements des plus perfectionnés. Or, il ne vient à la pensée d’aucun de ces militaires de tenter un coup d’État dans son pays.
Par contre, en Afrique où les armées nationales sont toutes naissantes, les impérialistes téléguident des officiers corrompus, commis dans la honteuse tâche de trouble-fête : ces officiers indignes ont mission de désorganiser les bases même de leurs propres États, de créer le désordre dans leur propre pays pour permettre à leurs maîtres impérialistes de revenir exploiter leurs propres peuples.
La trahison de certains militaires et de certains hommes politiques africains fait la honte de toute l’Afrique. Même nous, qui résistons et résisterons toujours à l’assaut de l’impérialisme, nous ressentons douloureusement cette honte.
Que constate-t-on chaque fois qu’un coup d’État militaire est perpétré dans un pays africains ? Les partis politiques, les syndicats, les mouvements des femmes et les organisations des jeunes sont aussitôt dissous. En même temps que l’on jugule les institutions du peuple, on livre le pays aux forces capitalistes : les sociétés d’État passent aux mains des privés étrangers…
Dans des procès injurieux ou l’équipe dirigeante, illégalement destituée est rendue responsable de toutes les insuffisances de développement de la nation. Mais tous ces slogans ne constituent qu’un paravent derrière lequel l’impérialisme s’installe pour pressurer le peuple. Voilà la réalité tragique que connaît aujourd’hui l’Afrique. Cela est une honte pour les marionnettes et les vils complices de l’impérialisme.
Les États-Unis, malgré tous les armements modernes que détiennent leurs forces armées, n’ont jamais enregistré dans leur histoire de coups d’État militaires. En France, malgré les grèves qui ont récemment secoué les bases économiques de ce pays, les militaires n’ont pas tenté de prendre le pouvoir, et pourtant ils avaient devant eux un gouvernement affaibli par l’opposition populaire…’’
Les intellectuels Africains, surtout les jeunes, dorénavant, tous doivent rester à l’avant-garde de la démocratie et de l’Etat de droit. Aucune nouvelle dictature, encore moins le renversement de l’ordre constitutionnel ne doit être toléré par les peuples. Face au péril des fondements d’une nation, les peuples ont le choix entre agir pour réussir ou s’asseoir pour périr.
Aux Africains donc de prendre conscience de leurs situations pour faire émerger de nouvelles forces démocratiques, dignes, solides et intègres, capables de répondre aux aspirations ultimes des peuples dans le strict respect de la dignité humaine.
Mamoudou Babila KEITA, Journaliste.