La justice guinéenne est malade. Ce qui du coup crée une crise de confiance entre elle et les justiciables. La grâce présidentielle du Colonel Doumbouya accordée à des femmes détenues, notamment Hadiatou Bah dit Hadya Présie, est une violation de l’article 42 de la Charte de la Transition et les dispositions des articles 1193 et 1194 du Code de procédure pénale.
Le droit de grâce intervient après une condamnation définitive et non sur un dossier qui est pendant devant les juridictions.
C’est le troisième acte du genre venant du Président de la transition ne respecte pas la procédure du droit de grâce. Il s’agit notamment du cas de Hadiatou Bah dit Hadya Présie.
Pour cette dernière, après sa condamnation récemment au Tribunal de Dixinn, son conseil a déclaré interjeter appel.
« Nous allons user de nos voies de recours pour saisir ces juridictions et pour que cette décision soit censurée en fait et en droit. Nous allons continuer à mener le combat jusqu’à ce que cette décision soit infirmée en toutes ses dispositions. Nous ne sommes pas prêts à accepter et à concevoir cette décision. Pour nous, tout a été appliqué sauf le bon droit », a déclaré Me Alseny Aïssata, l’avocat de Hadia Présie.
Or, le code de procédure pénale stipule en son article 1192 : « La grâce est une dispense d’exécution de la peine, accordée par le Président de la République au condamné frappé d’une condamnation définitive et exécutoire. Le droit de grâce est exercé par le chef de l’Etat et n’est susceptible d’aucun recours ».
Quant à l’article 1194, il stipule : « Les recours en grâce sont instruit par le ministre de la justice après examen, le cas échéant, par les autres ministres intéressés ».
Parlant donc du cas d’Hadiatou Bah dit Hadya Présie qui avait été condamnée le 26 février 2022 par le Tribunal de Première Instance de Dixinn, à une peine d’emprisonnement de 10 mois assortie d’une amande de 500.000 GNF et interdiction d’utiliser les réseaux sociaux (facebook, twitter, instagram) pendant deux ans. Dès l’annonce de cette sentence, les avocats de la prévenue ont relevé appel. Le dossier est actuellement devant la Cour d’Appel de Conakry. En clair, conformément à l’article 1193, il n’y a jamais eu une condamnation définitive.
Faire appel d’une décision de justice est un droit ouvert à tous les justiciables que ce soit en matière civile, pénale ou administrative.
Pour les jugements en matière pénale, toutes les décisions rendues par le Tribunal de police, le Tribunal correctionnel, le Tribunal Criminel, le juge d’instruction, le juge d’application des peines, sont susceptibles d’appel. Les jugements rendus par défaut ne sont pas susceptibles d’appel.
Quelles sont les conséquences de l’appel sur une décision de justice ?
Quand l’appel est fait d’une décision de justice en première instance, la Cour d’appel est amenée à juger entièrement l’affaire au fond. Il n’est pas possible de soumettre une nouvelle demande sauf si elle est la conséquence ou le complément d’une demande initiale. Ainsi, la Cour d’appel est en droit d’infirmer ou de confirmer la décision rendue par les juges du fond.
Si la Cour d’appel confirme la décision des juges du fond, il s’agit d’un arrêt confirmatif. Si elle infirme la décision, elle rend un arrêt infirmatif. C’est-à-dire, que la Cour d’appel annule le jugement dans son intégralité et rend sa décision.
Enfin, la Cour d’appel peut rendre un arrêt partiellement infirmatif, c’est-à-dire qu’elle peut confirmer une partie de la décision des juges du fond, infirmer l’autre partie et rendre sa décision.
En conséquence, la décision de grâce accordée à Hadiatou Bah dit Hadya Présie, n’est nullement conforme à la règle du droit.
Nankouman KEITA juriste