« La justice sera désormais la boussole qui va orienter tous les citoyens ». Il y a près de 3 mois, le Colonel Doumbouya tenait cet engagement fort au lendemain de la prise du pouvoir par le CNRD. Malheureusement, jusqu’ici, des pratiques honteuses comme la corruption, l’intimidation, le trafic d’influence et les abus de pouvoir, continuent de résister à la volonté exprimée du Président de la transition. Plusieurs faits en disent long dans les cours et tribunaux du pays. Pour preuve, un contentieux opposant un opérateur économique Guinéen à une société Pakistanaise représentée en Guinée, peine à connaître son épilogue par le fait de la justice elle-même.
Ce fait donne raison à ceux qui ont toujours clamé que la Guinée était devenue un Etat voyou. Pour la petite histoire, c’est la société Pakistanaise dénommée ROOP International Général Trading basée à Doubai, à travers sa représentation ROOP international Guinée qui aurait promis un don de 5000 tonnes de riz aux femmes guinéennes à travers le cabinet de l’ex-première dame Hadja Djènè Condé. On ignore le mobile de cette action de bienfaisance mais des renseignements nous font croire que ladite société évoluerait en Guinée dans des conditions peu orthodoxes.
Finalement, cette quantité de riz promise à la Guinée ne sera pas livrée par le fait du renversement du pouvoir d’Alpha Condé. La société ROOP international qui avait chargé le navire MV RISING EAGLE le 30 août 2021, de vivres au Pakistan en direction du port de Conakry, a changé de décision. Ainsi, le Sénégalais Papi N’diaye, représentant de ROOP International en Afrique de l’ouest, a été mandaté par le directeur général de la société de venir procéder à la réception et la vente de l’embarcation soit 24.500 tonnes de riz à Conakry. Nous avons pu nous procurer une copie du document légalement établi à cet effet.
A Conakry, Papi N’diaye fait la rencontre de l’opérateur économique Ibrahima Condé de la société Kalil et Frères. Des contrats de vente de 5000 tonnes et de 16.500 tonnes pour une valeur de 7.425.000 dollars par l’entremise du notaire maître Ansa Kaba ont été établis le 20 septembre 2021. Le montant indiqué va être graduellement payé jusqu’à l’apurement. Les reçus de versement et de transferts de fonds que nous détenons, en font foi.
Le 6 octobre, le navire accoste au port de Conakry. ROOP International étant payé par Kalil et fères, va commencer à dépoter le navire et livrer la marchandise à d’autres commerçants sans que le principal acheteur ne soit informé. Alerté, la société Kalil et frères va automatiquement saisir le Tribunal de Commerce. Le 14 octobre, le président de cette juridiction va émettre une décision de saisie conservatoire de 21.500 tonnes de riz sur la cargaison, conformément aux dispositions de l’article 54 de l’acte uniforme de l’OHADA.
Le mercredi 27 octobre, le procès verbal de saisie conservatoire parvient au responsable du magasin de stock de ROOP International par le biais de maître Mohamed Chérif Camara. Salmane a été sommé dans cet acte de payer 11.825.000 au requérant Kalil et frères à titre de frais et dommages, à défaut d’assister à la fermeture des magasins. Et le 28 du même mois, un acte de non contestation de la décision du Tribunal de Commerce a été notifié par Papi N’diaye, le représentant sous régional de ROOP International. Le document ordonne la mise à disposition de la cargaison de riz à la société Kalil et frères, conformément aux clauses contractuelles établies entre les deux parties le 20 septembre 2021.
Sur la base de cet acte de non contestation, une décision de mainlevée a été prise et transmise par le même huissier le 4 novembre 2021. 24h après, cette décision a été mise en exécution. Sur le terrain dans le magasin de stock de Tombo, l’huissier se fait surprendre par la visite du Colonel Célestin, Haut commandant en second de la gendarmerie nationale. Celui-ci serait intervenu pour demander l’arrêt du chargement des camions sur la demande d’une tierce personne dont on ignore le nom.
Constatant l’implacabilité de maître Chérif visiblement fort de son mandat de justice, le Colonel Célestin et ses hommes se retirent des lieux.
Comme si des mains invisibles se cachaient derrière cette affaire pour sevrer Ibrahima Condé de ses marchandises face aux Pakistanais, le ministre de la sécurité s’invite dans la danse. Le samedi 6 novembre, Bachir Diallo accompagné de ses gardes, se présente devant le magasin et ordonne la fermeture immédiate des lieux. L’huissier de justice refuse d’obtempérer et interroge le ministre sur le motif de son action et le pouvoir qui l’autorise à empêcher l’exécution d’une décision de justice.
Aussitôt, les deux hommes se livrent à des altercations sous le regard scruté des agents des services spéciaux qui prêtaient service à l’huissier dans l’exécution de sa mission. Il a fallu des interpositions pour éviter que le ministre et le l’huissier en viennent aux mains. En fin de compte, Maître Chérif se fait embarquer sur ordre du patron du département de la sécurité en direction du Haut Commandement de la gendarmerie.
Selon les renseignements, l’arbitrage du Haut Commandant lui-même a permis de rétablir l’huissier dans ses droits et le ministre aurait même présenté des excuses et raccompagné maître Chérif à Tombo pour la suite de ses travaux.
Le 11 novembre, l’huissier revient au magasin pour assister au chargement des camions. Aux environs de 18h, un groupe de gendarmes débarquent sur les lieux sur ordre sur Substitut du Procureur de Kaloum pour fermer les magasins. Cette intervention se fait suivre par un mandat du Procureur lui-même le lendemain avec pour instruction aux gendarmes d’arrêter les travaux, fermer les magasins et bloquer tous les camions déjà chargés sur place. Ceci pour comprendre la véracité des choses selon le procureur.
Le 18 octobre, Leemani Akash JAI, directeur général de ROOP International, a effectué une visite à Conakry. Interpellé sur le dossier, il nie avoir passé un quelconque contrat avec l’opérateur économique Guinéen. Les preuves exhibées avec des reçus de virement, le procureur de Kaloum décide de lever la main sur les camions de Kalil suite à l’arbitrage du Tribunal de Commerce. Le dimanche qui a suivi, le Pakistanais fuit Conakry.
Suivant la note d’assignation du 12 novembre, le Tribunal de Commerce après avoir examiné le dossier sur le fond et la forme, rend sa décision en faveur de la société Kalil et Frères comme propriétaire des stocks de riz. Une ordonnance a été ainsi faite le 18 du même mois, pour permettre à Kalil et Frères de rouvrir les magasins.
Dans le même jugement, le Tribunal de Commerce rappelle au procureur du TPI de Kaloum que sa réquisition de fermeture des magasins de stock, échappe à son domaine de compétence. Le juge précise que l’exécution des décisions de justice en matière civile et commerciale, relève exclusivement de l’huissier de justice.
En soutien à cette décision, le même jour, le procureur du TPI de Kaloum émet une réquisition aux fins d’exécution de l’ordonnance du Tribunal de Commerce.
Malheureusement, contre toute attente, sur le terrain, l’huissier de justice se heurte à une opposition farouche d’un groupe de Libanais qui assure la garde des magasins pour le compte des Pakistanais. Joint au téléphone face à cette tension, le procureur demande l’arrêt de tous les travaux à l’immédiat et la fermeture du magasin.
Quelques jours après, sans informé le procureur, le Libanais Ali Sadi procède à la réouverture des lieux et commence à charger les camions. Selon des informations, l’ordre serait venu de la ministre de la justice que nous n’avons pas réussi à joindre pour le moment.
Des sources indiquent que ce Libanais qui est lié à l’armée Guinéenne par un contrat de fourniture de denrée, a profité du contentieux entre les deux parties opposées sur la paternité du stock de riz, pour proposer un rachat à la représentation guinéenne de la société ROOP International visiblement décidée à ne pas honorer ses engagements contractuels avec la société Kalil et Frères.
Cette démarche d’Ali Sadi s’expliquerait par le fait que sa commande de riz tarde à débarquer sur Conakry pour honorer ses engagements avec l’armée. Ainsi, le Stock de riz qui fait l’objet de contentieux malgré la décision de la justice en faveur de Kalil et Frères, va être revendu à l’armée. Aussitôt le chargement des camions démarre sous le contrôle des hommes en uniforme.
Questions, qu’est-ce qui a amènerait la nouvelle ministre de la justice à s’interférer à contre sens du droit et de la décision déjà rendue dans cette affaire ? Ali Sadi aurait-il joué de ses relations avec l’armée pour transformer les choses à son avantage lui qui n’était aucunement concerné dans cette histoire de riz ?
Par ailleurs, qu’est-ce qui explique cette intervention massive des commis de l’Etat en faveur des Pakistanais contre un opérateur économique Guinéen dans cette affaire de riz ? En attendant de trouver des réponses à ces questions, l’attention bienveillante du Président de la transition est sollicitée auprès de la justice pour établir la vérité dans ce dossier.
A travers ce cas, le défi s’impose au CNRD de contraindre les justiciers et les commis de l’Etat à se démêler des prises de positions partisanes pour faire de la volonté du Président de la transition une réalité dans le secteur de la justice, afin de redonner espoir aux guinéens en l’existence d’une justice impartiale au service de tous.
Affaire à suivre…
Mamoudou Babila KEITA
Ils comprendront que le mal n’était pas Alpha Condé, beaucoup de sales choses se passent sans que le président de la République ne soit au courant.