Chers enseignants et enseignantes de Guinée
Chers confrères, chers amis. Je vous invite à l’union.
Je veux m’adresser à vous directement, parce que vous êtes les miens. Je veux le faire non pas en tant que leader politique, mais en tant qu’enseignant qui ai pratiqué la profession pendant des années ici en Guinée et ailleurs.
Je m’adresse à vous au moment où l’école guinéenne traverse une crise sans précédent. Au cours de cette décennie qui s’achève, j’ai observé, je continue d’observer et je dénonce le peu d’attention que le gouvernement accorde à votre situation. C’est bien contre la précarité que vous vous battez depuis toutes ces années. On n’aurait nullement besoin de décrire votre situation, tant elle est connue de tous nos compatriotes.
Je vous écris ce message pour vous exhorter à resserrer les rangs et à serrer vos ceintures pour continuer la lutte légitime que vous avez engagée pour l’avenir de l’école guinéenne. Cet avenir dépend, entre autres, du sort des enseignants que vous êtes et des conditions d’apprentissage de nos élèves et étudiants.
En tant que membre de la corporation des enseignants, je peux vous rassurer que votre combat est légitime et légal. Vos salaires sont en dessous du Salaire Minimum Garanti, que fixe la loi du marché. Cela fait que vous êtes des parias économiques dans notre société : (a) vous trouvez difficilement la nourriture pour vos familles ; (b) vous êtes obligés d’habiter dans des logements peu convenables ; (c) quand vous êtes malades, vous ne pouvez pas vous soigner dans de bonnes cliniques, et ceci s’applique à vos épouses et vos enfants ; (d) vous n’avez pas accès ni à l’électricité ni à l’eau potable.
Vous êtes les plus mal payés en Afrique de l’Ouest francophone. Le salaire moyen d’un enseignant au Sénégal avoisine les 628,000 FCFA, soit l’équivalent de 10 millions de francs
Guinéens. Pire, votre métier est en passe d’être placé au bas de l’échelle de valeur des professions. D’où la question qui vous est souvent posée: êtes-vous travailleurs ou enseignants? Comme pour dire que, si le travailleur est supposé vivre du fruit de son travail, l’enseignant, « qui ne travaillerait pas », n’est pas censé vivre de son enseignement. Cela peu importe qu’il soit de l’opposition ou de la mouvance.
Si, par les temps qui courent, nous observons un certain engouement pour l’enseignement chez les chercheurs d’emplois sur le marché du travail, c’est juste parce que l’économie du pays ne crée pas d’emplois, d’où le chômage endémique des jeunes diplômés. D’ailleurs, il n’est un secret pour personne, l’éducation nationale n’est qu’une porte d’entrée dans la fonction publique. Combien de milliers de supposés enseignants travaillent dans d’autres départements de la fonction publique ?
Lorsque vous demandez à un Guinéen nouvellement diplômé d’une université guinéenne ou d’une école professionnelle de faire un choix entre intégrer l’armée ou aller dans l’enseignement, il préfèrerait rejoindre l’armée, parce que tout simplement, il ne veut pas finir dans la misère comme les autres enseignants.
Dans la bataille que le Syndicat Libre des Enseignants et Chercheurs de Guinée (SLECG) a engagé pour l’amélioration des conditions de vie du personnel enseignant, il est impératif que vous vous unissiez. Autrement, vous n’atteindrez aucun objectif, allant dans le cadre de l’amélioration de vos conditions de vie.
Si les enseignants de quelque niveau qu’ils soient en situation de classe vivent dans une pauvreté qui ne se prononce pas, pourquoi se déchirer lorsqu’un groupe syndical issu du secteur de l’éducation réclame l’amélioration des conditions de vie ? Est-ce que si les revendications portées par le SLECG sont satisfaites, les enseignants des autres structures syndicales notamment: SNAESURS (Syndicat National Autonome de l’Enseignement
Supérieur et de la Recherche Scientifique), la FSPE (la Fédération Syndicale Professionnelle de l’Education), le SLECG (le Syndicat Libre des Enseignants et Chercheurs de
Guinée) de Madame Kadiatou BAH, le SNE (Syndicat National de l’Education) ne vont-ils pas en bénéficier? Pourquoi semer les germes de la division entre vous ? Si les uns se mettent à la manœuvre pour faire échouer la grève pendant que les autres travaillent à sa réussite, croyez-moi vous n’allez pas aboutir. Restez unis! « Ce qui fait la force des animaux aquatiques, c’est l’eau. Ce qui fait la force des troupes d’une citadelle, c’est la citadelle. Ce qui fait la force des rois, c’est leur armée. La force d’une famille c’est l’union ». Et comme le dit un proverbe africain, pour aller vite, partez seul ; mais pour aller loin, partez ensemble. Chers enseignants, vous formez une famille, du primaire au supérieur, vous avez un seul nom de famille : Enseignant. Je veux d’ailleurs vous rappeler que le SLECG dont une partie se bat seule aujourd’hui pour sauver l’école guinéenne est un produit de l’enseignement supérieur.
C’était encore au début des années 90. Je veux aussi vous dire que je connais l’école guinéenne. J’en suis un des nombreux fruits et je l’ai servie. Je suis diplômé de l’école normale supérieure (ENS) de Maneah, devenue, depuis le début des années 90, l’Institut Supérieur des Sciences de l’Education de Guinée
(ISSEG), aujourd’hui situé à Lambanyi, dans la commune de Ratoma. J’étais assistant à l’ENS quand il a été question d’autonomisation des institutions d’enseignement supérieur. Celle-ci devait passer par la mise en place d’une gouvernance d’élus. Cela avait bien commencé. Malheureusement, les enseignants-chercheurs du supérieur ont baissé les bras et ils ont laissé le système mafieux qui gouverne le pays les contrôler et par ricochet, contrôler leurs étudiants. L’université qui rime avec universalité n’existe pas en Guinée.
La situation est pire aujourd’hui, car l’enseignement supérieur est aujourd’hui gouverné à l’image des autres institutions de la République, par les militants. Un système policier, qui ne dit pas son nom, est en place pour rapporter les faits et gestes des enseignants- chercheurs et des étudiants. La gouvernance machiavélique en place aujourd’hui procède par l’autodestruction. Une plateforme de la société civile, un syndicat, une coordination des sages, une association, une opposition politique non contrôlés par le système machiavélique en place ont leurs parallèles contraires créés et financés par le système. Aucun pan de la société guinéenne n’y échappe à cela aujourd’hui.
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Cependant, n’oublions jamais que nous sommes le piédestal de tout développement sociétal. Sans nous, il n’y aurait ni ingénieur, ni médecin, ni informaticien, etc. Nous sommes la dynamique sociale qui crée la valeur professionnelle ajoutée, qui détermine le progrès multidimensionnel de notre pays.
Partant, je vous enjoins de poursuivre notre combat pour la rédemption de notre profession et pour le bien-être de nos familles et, par ricochet, de toute la Guinée. Mais pour gagner le combat, nous devons rester unis, quelle que serait notre appartenance syndicale. Je suis de cœur avec vous dans ce combat pour la rédemption de notre profession.
Syndicats du secteur de l’éducation, votre unité est une nécessité. Quand vous serez unis,
Vous serez libérés et c’est seulement en ce moment que vous pourrez sauver l’école
Guinéenne, qui se meurt de sa belle mort.
Vive les enseignants
Vive l’école guinéenne
Vive la République
Faya L. MILLIMOUNO