Le mauvais état de la route nationale, Coyah-Kindia, engendre des répercussions sur le panier de la ménagère à Conakry. Obstrué par un éboulement survenu suite aux fortes pluies qui s’abattent sur Conakry et ses environs ces derniers jours, le trafic routier reste profondément perturbé, sur cet axe. Et comme les autres usagers de cette route, actuellement en réfection, les femmes vendeuses de légumes souffrent le martyr dans le transport de leurs marchandises. Conséquences directes, les prix des produits haussent dans les marchés de la Capitale.
Pour toucher du doigt à cette réalité, nous avons fait un tour dans certains marchés de Conakry.
Le périple commence par le marché de Matoto, l’un des plus grands de la Capitale. C’est ici que les autres marchés de Conakry viennent s’en ravitailler des légumes et fruits, entre autres. Ce qui fait la particularité de ce centre de négoce.
Mais depuis deux semaines, on assiste à une rareté de ces différents articles. Les femmes pointent le mauvais état de la route.
Ce mercredi 28 août 2019, nombreuses marchandes profitent de la clémence du climat, à l’image de Yarie Bangoura qui étale ses gingembres sur le trottoir. Ses aubergines elles, commencent déjà à pourrir. Nous l’avons interrogé.
« Actuellement, nos marchandises sortent des villages en bon état, mais elles pourrissent avant leur arrivée à Conakry. C’est le mauvais état de la route et la chaleur dans les camions, qui sont à la base de cette pourriture rapide de nos produits. Nous sommes là à attendre depuis 04 heures du matin, mais c’est à 12 h que nos marchandises sont arrivées, après 5 jours de trajet. Nous avons enregistré d’énormes pertes » entame la vendeuse. .
Avec le piteux état de la route nationale, les chauffeurs et certains frigoristes sont obligés de prendre la route qui contourne Kindia pour venir à Benna puis emprunter la route de Forécariah. Dans ce cas aussi, les vendeuses paient les frais, poursuit elle : « Actuellement nous payons 30 000 GNF pour le transport de chaque sac, alors qu’avant le même sac nous coûtait seulement 20.000GNF. Ce fait impacte négativement nos recettes. Avant la dégradation de la route, on pouvait revendre un sac de 50kg d’aubergines à deux cents mille. Mais actuellement, nous sommes obligées de le revendre à la moitié du prix initial (cent mille), voire à vil prix. Histoire de sauver nos recettes. En plus, l’insécurité et les voleurs nous guettent », confie Yarie Bangoura.
Après le marché de Matoto, la Tannerie. Ce marché est appelé par les riverains, le ‘’Marché Forestier’’, à cause de l’abondance des produits venus de la Région Forestière (Bananes, nnmTubercules…). Ici aussi les femmes vendeuses subissent d’énormes pertes. Les nombreux fruits qui pourrissent dans les poubelles en témoignent.
C’est à 1.000 KM de la capitale Conakry, que Sayon Diabaté part cherché la marchandise qu’elle revend. Autan dire qu’elle connait l’état des routes guinéennes, qui sont aujourd’hui la cause principale de l’affaissement de ses recettes.
« Regardez dans mes paniers ! Je n’ai que des tarots, des ignames et maniocs pourris. Le mauvais état de nos routes est devenu une grande inquiétude pour nous. Nous sommes habituées au calvaire de la forêt. Ce n’est qu’à la rentrée de Conakry que nous récupérons le souffle. Mais si Kaka s’ajoute à notre souffrance, c’est une chute pour nous. Nous achetons nos marchandises en bon état, mais avant qu’elles ne rejoignent Conakry, elles ne peuvent plus être liquidées. Presque toutes nos recettes et bénéfices sont gaspillés dans le transport. L’Etat doit nous faire fasse maintenant. Nous demandons au Chef de l’Etat de bien revoir la situation des femmes guinéennes, nous souffrons beaucoup », plaide cette mère de famille.
Les plaintes et cris de cœur s’élargissent aux clients.
« Le prix des légumes a connu une augmentation. Ce qu’on pouvait acheter à cinq mille avant, aujourd’hui, il me faut doubler la dépense. Regardez les gombos que j’ai achetés à sept mille, c’est très insuffisant pour moi. Mais je suis obligée de supporter pour ne pas laisser mes enfants affamés. Pour d’autres légumes c’est pire. En plus ils ne sont pas en bon état », regrette une cliente venue de Gbéssia.
Retour au même marché de Matoto, où nous avons croisé Moussa Camara, chauffeur.
« Avec l’état actuel de la route de Coyah, nous ne vivons que le calvaire nous chauffeurs. Car avant cette panne, on quittait Kindia à 02 heures du matin, pour rentrer ici à 06 heures. Et on pouvait faire au moins trois voyages par jour. Mais actuellement, nous empruntons la route de Segaya, en passant par Maferinya pour ensuite rallier Forécariah avant d’être à Conakry. Après tout ce périple, nous rentrons à 11 heures au marché de Matoto. Regardez, je suis venu prendre le reliquat de mon transport. Je m’attendais à quatre millions, mais mes clientes m’ont tendu deux millions, car plus de la moitié de leurs marchandises a été jetée.
Nous souhaitons, que les autorités accordent une marge de tolérance à nous qui transportons les fruits et légumes dans les frigos. Qu’elles nous laissent circuler au moins jusqu’à 20 heures avant de fermer le chantier. Sinon à l’instant où nous parlons, une cliente me propose 40.000 pour chaque sac pour que je ramène ses produits. Mais à cause du mauvais état de la route, j’ai renoncé au marché. Quand je bouge ici à 12 heures, je n’arriverai qu’à 18 heures. Et ça trouvera que les ouvriers ont déjà fermé. Et le trajet Forécariah-Conakry, c’est trois heures aussi », a laissé entendre cet habitué de l’axe Coyah-Kindia.
La perturbation du trafic routier intervient à un moment, surtout pour les marchés, car nous sommes en période de ‘’Repos Biologique’’, où les poissons et autres produits halieutiques se font aussi rares.
Pour ne rien arranger, de retour du marché, les femmes sont aussi confrontées à un « manque criard de charbon de bois, dans les quartiers ». Ce produit aussi connait une augmentation de 5.000 GNF.
Partout dans ces marchés, les messages à l’endroit des autorités sont identiques. Les citoyens de Conakry formulent un plaidoyer auprès du Ministre des Travaux Publics, Moustapha Naïté , pour le respect du délai des travaux fixés à une semaine, du 26 août 2019, au lundi 02 septembre 2019.
Mariam KANTE