Dans son discours de prise du pouvoir le 5 septembre 2021, le Colonel Mamadi Doumbouya, a promis aux Guinéens de guérir les maux dont souffre notre pays, notamment sur le plan de la gouvernance économique et financière. C’est pour cette raison d’ailleurs, qu’il a tenu à faire le procès de la gouvernance d’Alpha Condé, qu’il a rendu coupable de tous les péchés d’Israël. D’où la mise en place d’un gouvernement dit d’austérité, basé sur le concept de reddition des comptes. Deux ans après, qu’en est-il de ces engagements ?
Cette question, dans un pays normal, tout bon citoyen devrait se la poser. Comme pour dire que chaque citoyen a le droit de demander des comptes à nos gouvernants, sur ce qu’ils font de la gestion des ressources du pays, mais aussi des engagements qu’ils nous font au gré des situations et des circonstances, surtout quand ils ont besoin de l’adhésion de la masse populaire à des initiatives très souvent insoutenables.
Cette façon d’exercer le pouvoir, vous renvoie à la loi 27 des 48 lois du pouvoir de Robert Greene. Elle est intitulée : CRÉEZ UNE MYSTIQUE. Autrement dit, que les hommes qui exercent le pouvoir, doivent créer un besoin irrésistible de croire en quelque chose. D’être l’épicentre de ce désir en offrant une cause à soutenir,… Que leurs paroles doivent être vagues mais pleines de promesses tout en mettant l’accent sur l’enthousiasme plutôt que sur la rationalité.
Du pouvoir d’Alpha Condé à celui du Colonel Doumbouya, il vous suffit de revoir les différents discours du géniteur de la refondation, de la prise du pouvoir à sa dernière allocution publique, ainsi que les différentes annonces de son gouvernement, pour comprendre que le pied gauche a été déchaussé pour chausser le pied droit
D’abord, parlons de l’avion présidentiel mis à disposition de la Guinée sous le sceau de la souveraineté recouvrée dans le domaine de l’aviation. Le petit appareil a disparu dans les nuages comme celui de la compagnie de Guinée Airlines sous Alpha Condé.
Les véhicules du parc automobile de la présidence sous Alpha Condé, ont été mis aux enchères pour dit-on financer des projets sociaux de base. Les véhicules ont disparu et aucun montant n’a été présenté au peuple, ni de projet financé dans ce cadre.
Le site servir 224, pour dit-on, recruter des compétences nationales à des postes de responsabilité, s’est aussi éclipsé avec des milliers de dossiers jamais examinés.
Des départs à la retraite de près de 10 mille fonctionnaires. Mais les jeunes diplômés attendent toujours le lancement d’un concours d’intégration à la fonction publique.
Parlons de l’or noir : le pétrole. L’augmentation de son prix à 11.000, a fait crier de part et d’autre sous Alpha. Le CNRD l’a ramené à 10.000 avec des trompettes avant de le rehausser à 12.000 dans un silence mortel.
Le projet Simandou. Des bruits courent sur un ticket d’entrée de 75 millions de dollars. Cela n’a jamais été annoncé aux guinéens. Mais après la fuite des nouvelles, les autorités déclarent les avoir logés au trésor public. Mes pensées vont aux 700 millions de dollars de Rio Tinto, mais qui n’ont jamais été passés sous silence.
Et si on questionnait les procédures de passation des marchés publics avec le business du gré à gré ou d’entente directe ? Cette exception dans la commande publique, décriée hier sous Alpha, est devenue la norme sous la refondation. Et on trouve des arguments pour défendre le mal sans pour autant dire ou respecter les conditions extrêmes qui l’autorisent.
En septembre 2021, 145 milliards de francs guinéens existaient dans les comptes du fonds FODEL pour les communautés impactées par les activités minières. De cette date à nos jours, les sociétés minières continuent de payer leurs obligations pour alimenter ce compte. Mais personne ne sait jusque-là où cet argent est orienté.
Pendant ce temps, des commis de l’Etat ont leurs noms qui se susurrent autour de la saisie de 2 millions de dollars sur un individu à l’aéroport de Conakry.
Au même moment, le CNT parle d’une perte de 555 milliards de Francs guinéens en 8 mois dans les finances publiques.
Les contraventions policières liées au mauvais stationnement des véhicules, c’est-à-dire, les grues qui font la chasse aux véhicule garés sur la chaussée, disparaissent sans aucune destination.
Malgré la hausse des loyers de l’État, les recettes locatives du patrimoine bâti, n’ont jamais retrouvé les comptes du trésor public.
Par ailleurs, que fait-on des taxes prélevées par l’ARPT, notamment celle issues des appels entrants de l’International et sur les transactions électroniques ? C’est aussi des milliards de francs guinéens qui ne sont jamais encaissés au trésor public.
Parallèlement, 98 milliards de la TUV et la CFU devant être rétrocédés aux collectivités, peinent à retrouver les mains des ayant droits.
Parlons du budget de la présidence. Sous Alpha Condé, les guinéens ont parlé d’une présidence budgétivore dans son dernier exercice. Le CNRD s’est vanté de l’avoir réduit de 27% après son arrivée au pouvoir. Mais en 2023, avec la loi des finances rectificatives, la présidence du CNRD a doublé la mise avec un budget de 864.938 milliards de francs guinéens contre 492.511 milliards, sous Alpha Condé.
À la LONAGUI, les 5% de la masse collectée des jeux de hasard, sont directement orientés à la présidence de la République, malgré son budget gargantuesque.
La Présidence pourtant, institution de décisions, devient de plus en plus une institution de gestion, de contrôle et d’orientation avec sa panoplie d’EPA et de régies financières. Voici l’autre visage de la transition.
Mamoudou Babila KEÏTA, Journaliste.