Les témoignages des victimes se poursuivent à la barre dans le procès des événements du 28 septembre 2009. Après Bah Oury, un deuxième homme politique l’un des membres des forces vives a aussi pris la parole ce mardi pour son témoignage. François Lounceny FALL ancien Premier ministre guinéen a pendant près d’une heure relaté à la barre ce qu’il vécut, ce jour sombre dans le grand stade de Conakry.
Dans son introduction, le diplomate guinéen de 73 ans déclare: <<Je viens à ce tribunal pour témoigner et non pour disculper ou enfoncer une personne. Je viens à ce tribunal pour donner ma part de vérité dans ces événements qui ont endeuillé de nombreuses familles guinéennes. J’étais bel et bel au stade du 28 septembre 2009 à la première ligne aux côtés des autres collègues des forces vives>>, déclare l’ancien ministre des affaires étrangères.
Revenant sur les causes ayant conduits les forces vives à organiser cette manifestation de protestation contre la candidature du capitaine Moussa Dadis Camara, le diplomate précise.
<<Le CNDD s’était engagé à organiser des élections libres et transparentes au cours desquelles aucun membre ne se portera candidat. Mais à notre grande surprise, nous avions constaté qu’à travers des actes que cette promesse est loin d’être respectée. Chose à laquelle nous étions fortement opposés. De la visite du vice-président du CNDD à Macenta en passant par Labé sans oublier l’accueil au palais du peuple avec le président Abdoulaye Wade, il était clair que le CNDD préparait une candidature, chose qui était contraire aux engagements. En organisant cette manifestation nous avions voulu faire une manifestation calme sans bruit, mais malheureusement ça été un désastre que je n’oublierai jamais dans ma vie. Moi à la place du gouvernement, je n’aurai pas envoyé des militaires pour réprimer les manifestants. J’aurais laissé le mouvement se tenir après, faire arrêter les leaders. Moi, je ne dirais pas que c’était un acte spontané. Après les événements nous avions appris les échos de la réunion qui s’est tenue au camp Alpha Yaya la veille. Je crois qu’on nous a envoyé des gens pour nous mater et on nous a vraiment maté>>, explique l’ancien président du parti FUDEC.
De l’esplanade du stade à l’intérieur en passant par la clinique Ambroise Paré jusqu’au Haut commandant de la gendarmerie, François Louceny Fall témoigne.
<<Au niveau de la Fondis, nous avions trouvé le colonel Thiegboro avec certains gendarmes, il nous a dissuadé de reporter la manifestation, mais nous ne pouvions plus puisque nos militants étaient très nombreux au stade, cela ressemblait à de la trahison. Arrivé à l’intérieur du stade aux alentours de 10h, nous avons trouvé place à la tribune entre temps nous avons vu notre porte-parole arrivé. Entre temps, nous avons entendu des crépitements des fusils et des gaz sûr lacrymogènes. Là où j’étais, j’ai reconnu un militaire venir vers nous le commandant Toumba Diakité puis qu’on avait l’habitude de le voir avec un regard sévère derrière le président Dadis. Il est venu vers nous, ils a demandé ou sont les leaders, il nous a demandé de le suivre, il nous a conduit vers son véhicule, Feu Jean Marie Doré, le président Sidya Touré, Mouctar Diallo et moi. Nous pensions qu’il venait pour nous arrêter, mais il nous a conduit vers la clinique Ambroise Paré. Mais je voudrais préciser que lorsqu’il cherchait à nous sortir du stade certains militaires venaient nous donner des coups, il y a un qui a donné des coups à Cellou, Sidya et moi-même il s’appelle Marcel. C’est arrivé à la clinique lorsqu’il a voulu faire exploser sa grenade qu’il y a eu une dispute entre lui et le commandant Toumba que nous avons connu son nom.>>
En racontant toujours le film de cette journée il indique : << Si nous avons eu la vie sauve ce jour, c’est grâce à monsieur Toumba Diakité. Je n’ai pas manqué de le dire le lendemain lors d’une interview à la radio. De la clinique Ambroise Paré au Haut commandement de la gendarmerie jusqu’à la clinique Pasteur, c’est vers 23h que nous sommes rentrés chez nous. Je crois que le nombre de morts, de femmes violées est nettement supérieur à celui annoncé. Je le dis en connaissance de cause puisque beaucoup ont préféré garder le silence. Je crois que les femmes ont subi la pire humiliation de leur vie ce jour.>>
François Louceny Fall se dit satisfait enfin treize ans après de voir que cette affaire soit jugée dans le pays pour que ceci serve de jurisprudence pour les générations futures.
Molayane