Comme le disait Pierre Trépanier « Refuser à l’autre le droit à la critique lui donne plus de pouvoir pour nous critiquer. » Le chapitre 4 de la charte de la transition, stipule en son article 19 : «Tout citoyen a le droit de s’informer librement et d’être informé». C’est pour autant dire que l’accès à l’information est un droit consacré à la fois par nos textes mais aussi par les conventions internationales que le pays a ratifiées.
Alors qu’il joue un rôle important dans le contrôle citoyen et dans la manifestation de la citoyenneté, l’accès à l’information reste toujours relatif en Guinée. Les autorités de la transition doivent protéger l’espace civique et respecter la liberté d’expression et d’association de la presse en Guinée.
Bien qu’il n’existe aucune consécration explicite en matière juridique, mais les textes et théories doctrinales, s’accordent sur le droit à l’information comme : «un droit universel, inviolable et inaltérable de l’homme moderne. Il s’agit d’un droit à la fois actif et passif d’une part, la recherche de l’information, et d’autre part, la possibilité pour tous de la recevoir». En d’autres termes : «Le droit à l’information est le droit fondamental de l’individu et de la collectivité de savoir et de faire savoir ce qui se passe et ce que l’on a intérêt à connaître».
Il appartient donc à l’État et aux administrations de veiller à son respect, notamment en matière d’accès aux documents publics. Pourtant, bien que considéré comme droit fondamental, il renvoie davantage à des valeurs et est susceptible d’une pluralité d’acceptation de son sens, et donc de sa sanction. Il est de plus limité par le respect des autres droits fondamentaux.
Par ailleurs, il ne pourrait être envisagé par les acteurs de la transformation sociale, comme indissociable du droit à informer, ou autrement que comme une composante d’une dimension plus large : le droit à la communication.
La décision de la HAC qui ordonne à Canal + Guinée le retrait des chaînes de télés et de radios Djoma FM et TV, Espace FM et TV et Evasion FM et TV de son bouquet de diffusion jusqu’à nouvel ordre, avec pour motif : « ménace à la sécurité nationale », est une violation de la loi organique N° 2020/0010AN. Cette loi, conformément aux dispositions de son article 5, : »La HAC est chargee de :
1- veiller à l’émergence et à la promotion de médias libres et responsables;
2- veiller au développement de l’information des populations dans les langues nationales ;
3- veiller à la promotion de la culture nationale sous toutes ses formes, en matière de production et de diffusion d’ceuvres nationales;
4- veiller à la transparence des règles de fonctionnement économique des organismes d’information et de combattre la concentration des titres et organes sous l’influence financière, politique ou idéologique d’un même propriétaire ;
5- proposer les conditions d’élaboration, d’édition, de production, de programmation et de publier des écrits et de diffuser des émissions relatives aux campagnes électorales ;
6- promouvoir la compréhension et la confiance mutuelle entre les médias et
le public, et d’assurer un arbitrage à l’amiable dans les conflits relatifs à la liberté d’expression et de conscience qui opposent des directeurs d’organes d’information et leurs collaborateurs, ou le public aux médias;
7- veiller au respect des normes en matière de publicité commerciale et de contrôler l’objet, le contenu et les modalités de programmation de l’information publicitaire diffusée par les organes d’information;
8- recueillir aupres des administrations et de tous les organes de presse les informations nécessaires à l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par la présente loi;
9- procéder à l’assignation des fréquences radio électriques affectées au secteur de la communication audiovisuelle par le plan national des fréquences, aux opérateurs agréés audiovisuels. A cette fin, la HAC met en place une Commission de coordination avec l’Autorité de Régulation des Postes et Télécommunication qui est chargée, pour le compte de l’Etat, de gérer le spectre des fréquences radio électriques et d’en assurer le contrôle;
10- conseiller le gouvernement en matière de communication;
11- veiller au respect du droit d’accès à l’information publique;
12- promouvoir la coopération avec les institutions similaires étrangères;
13- participer et représenter la Guinée aux réunions régionales et internationales traitant des questions liées à sa mission ».
En violation de la loi L02/2010 relative à la liberté de la presse en Guinée dans son article 1er aliéna 3 dispose qui dispose : « L’exercice de cette liberté ne peut être limité que par la loi pour la sauvegarde de l’ordre public et des exigences de l’unité nationale ». Contrairement à celle-ci, le Groupe Djoma Médias, Hadafo Médias et Évasion Group, sont tous empêchés d’exercer leur liberté, sans aucune décision légale.
Selon la Charte de la Transition de la Guinée, la liberté de la presse est «garantie et protégée» et les citoyens sont «libres de croire, de penser et de professer leur foi religieuse, leurs opinions politiques et philosophiques» et «d’exprimer, de manifester et de diffuser leurs idées et leurs opinions par des mots, par écrit et par images».
Le droit à l’information suppose qu’une information digne de ce nom soit disponible et il a comme contrepartie, le devoir de lucidité critique des citoyens, selon Manon Boner-Gaillard
Billy KEITA, Juriste.
E-mail nankoumankeita7@gmail.com