Cela fait maintenant plus d’un mois que la capitale guinéenne vit dans le délestage. Les activités qui dépendent de l’électricité sont presque toutes au ralenti. Les soudeurs, vitriers, coiffeurs et d’autres, se plaignent chaque jour de la situation. De plus en plus, la précarité bat son plein. Les ateliers qui étaient autrefois animés, sont pour la plupart à l’arrêt à cause de l’obscurité. C’est un lointain et triste que les Conakrykas sont en train de revivre dans la détresse et dans l’indignation.
Les guinéens, du moins les habitants de Conakry, depuis 2015, avaient de l’électricité 24h/24, grâce aux efforts de la gouvernance Alpha Condé qui a doté le pays de 2 barrages électriques (Kaleta et Souapiti), dont la capacité de production cumulée est de 690 MW.
A cela s’ajoutent la construction et la remise sous tension de plusieurs centrales thermiques pour assurer la déserte continue du courant électrique aux ménages et aux entreprises.
Deux ans après le coup d’État militaire du 5 septembre 2021, ce processus d’amélioration des conditions de vie des populations, commence à s’interrompre au grand dam des citoyens. La situation s’est davantage empirée depuis l’explosion du dépôt central d’hydrocarbures dans la nuit du 17 au 18 décembre dernier.
Depuis maintenant plus d’un mois, les habitants de la capitale ne reçoivent du courant que la nuit pour être plongé dans le noir au petit matin, ce malgré les conditions climatiques en cette période de saison sèche marquée par l’élévation de la canicule.
Rencontré par notre rédaction, Abdoulaye SYLLA, coiffeur de profession, dit être obligé de coiffer ses quelques rares clients dehors qui acceptent de se faire coiffer à l’aide des moyens mécaniques. A l’intérieur de son salon de coiffure, il fait excessivement chaud. La climatisation, le frigo et les machines, sont hors tension. Conséquence, la clientèle se fait rare et le travail vire au ralenti.
« Les difficultés sont nombreuses, les machines ne peuvent pas travailler sans le courant. Les clients ne viennent pas, parce qu’ils savent qu’il n y a pas de courant donc ils n’auront pas la coupe de coiffure qu’ils désirent », déplore notre interlocuteur.
Loin de ce salon de coiffure, notre rédaction se retrouve dans un atelier de vitrerie. Là aussi, le constat est amer. Pendant que certains travailleurs sont en train de dormir, d’autres sont puissamment assis dans le désespoir ne sachant pas à quel moment le courant va revenir. Leur emploi de jour, ne s’exerce plus que pendant les nuits, loin de leurs familles.
Dans l’atelier, pour se promener, certains sont obligés de se faire guider par la torche de leurs téléphones pour vaincre l’obscurité. Le travail est en pause forcée pendant que le patron de l’entreprise ne bénéficie d’aucun allègement fiscal pour manque d’activité.
« Cette coupure de courant n’est pas bonne pour nous, parce que nous les ouvriers, notre travail ne peux se faire sans le courant. Actuellement, on est obligé de s’asseoir toute la journée ou dormir en attendant l’électricité. Il faut que l’État nous aide, c’est ici que nous gagnons les dépenses pour donner à manger à nos familles », s’exclame Mohamed Biya KPOGOMOU, vitrier.
Cette triste réalité des Conakrykas, affecte tous les secteurs d’activités. Les pharmacies et officines dont les produits sont censés être conservés à une certaine température de fraîcheur, sont aussi obligées d’ouvrir les battants et les portes pour éviter la chaleur.
Les plus téméraires dans ce domaine spécialisé, utilisent des groupes électrogènes. Mais ils sont obligés par endroit de les déplacer ou les alimentés dans le réservoir de leurs véhicules ou motos. Mohamed et son équipe qui ont leur moteur en panne, sont contraints de dormir la journée et attendre 17 h au meilleur des cas ou 18 h au pire, pour commencer le service.
Actuellement, l’électricité est la denrée la plus prisée dans la capitale guinéenne. Visiblement, la transition dite de refondation semble limitée dans ses recherches de solution pour faire face à cette situation qui en rajoute à la précarité extrême dans laquelle vivent les guinéens depuis plusieurs mois, notamment liée à la cherté de la vie, la restriction de l’internet, la fermeture des médias, les arrestations arbitraires, le harcèlement de toutes les voix dissonantes, la pauvreté et tant d’autres malheurs qui font aujourd’hui que la majorité des guinéens regrettent l’avènement du CNRD, le groupe de militaires qui a renversé Alpha Condé au pouvoir.
Alseyni BARRY