Ce que j’ai vécu ces dernières semaines en tant que guinéen et de surcroît dans mon pays que certains qualifient de paradis m’écœure. Quelle ignominie ? Quelle honte ? Quelle tartuferie ? C’est comme si la Guinée était sur une autre planète, pas sur celle de la terre. Ce système me dégoûte, cette façon de faire n’est pas digne d’un bon guinéen, de quelqu’un qui agit dans le sens de tirer ce pays vers le haut, ou d’une autorité de quelque niveau que ça soit. Pour des intérêts égoïstes et mesquins, on est incapable jusque-là d’élire le comité exécutif de la fédération guinéenne de football.
Depuis dix ans, sinon plus, ce sport roi végète au pays de Chérif Souleymane, unique ballon africain de la Guinée (1972), de Petit Sory, Papa Camara, N’Zoléa Keita, de Maxim et tant d’autres. Et après, on est surpris des contre performances des différentes catégories de nos équipes nationales et de nos clubs, alors qu’il n’y a rien de surprenant, l’à peu prêt, les approximations, l’amateurisme, ne marchent pas. Le sport, par ricochet le football, est une industrie de nos jours, il n’y a qu’à regarder les résultats des pays même africains qui se sont donnés les moyens et les ressources. Le Sénégal tout près, en est une parfaite illustration, les lions rugissent dans toutes les compétitions continentales, voire même du monde, ils enfilent les trophées.
Au même moment, chez moi en Guinée, chacun se tape la poitrine pour dire si ce n’est pas moi, c’est personne d’autre, malgré tous les risques que cela comporte, notamment en termes de sanctions des instances dirigeantes du football africain et mondial.
Comme si cela ne suffisait pas, nos dirigeants, ceux-là mêmes qui nous avaient promis monts et merveilles, eux qui nous avaient promis de gérer autrement la Guinée, de faire l’amour à la Guinée après tout ce qu’elle a subi depuis des décennies ou de ce qu’elle continue de subir, un peu plus de deux ans après leur arrivée au pouvoir, voilà cette même Guinée mise à rude épreuve par ceux-là que des guinéens avaient acclamés, applaudis le 05 septembre 2021, après la chute du régime Condé.
Ne parlons pas du retour à gallot de l’amateurisme de nos cadres, du népotisme, du clientélisme, des copains et des coquins, des détournements des deniers publics, de l’insécurité galopante, de la banalisation de la vie humaine, des licenciements abusifs, de la radiation des agents des forces de défense et de sécurité, de limogeage de Ministres alors qu’ils bénéficient de la présomption d’innocence. Combien de guinéens ont perdu la vie depuis l’arrivée du CNRD pour une raison ou une autre ? Qu’a t’on fait des promesses du 05 septembre et les jours qui ont suivis ? Et les larmes versées au cimetière de Bambéto où reposent plus de 250 victimes du défunt régime ? C’était de la comédie ou juste une façon de narguer ceux qui ont perdu et qui continuent de perdre des leurs dans les quartiers de Hamdanlaye, Koloma, Cosa, Wanidara, Sonfonia, Bailobaya etc. Quand est-ce-que ce cycle va s’arrêter, mais cette fois-ci pour de bon ?
Il suffit qu’une partie de population sorte pour réclamer ses droits, très vite elle est réprimée dans le sang par des FDS à la gâchette facile, pourtant habillées et nourris par le contribuable guinéen. Elles tirent sur des ados sans défense, qui n’ont souvent rien à voir avec les manifestations. Même ceux qui manifestent ne réclament que leur droit. Ah ! j’oubliais. Le guinéen est en train de perdre petit à petit ses droits, parce que j’ai appris qu’avoir internet n’est pas un droit, au 21ème siècle, s’il vous plaît.
Au moment où les autres pays font une course effrénée vers les techniques de l’information et de la communication, on prive le guinéen des réseaux sociaux et on dit gaillardement et à qui veut l’entendre, que l’internet n’est pas un droit. Peut-on savoir combien de personnes vivent aujourd’hui des retombées de ces réseaux sociaux, en tout cas pour ceux qui savent en faire un bon usage ? Prenons juste l’exemple sur deux légendes vivantes du football mondial, je veux parler de Cristiano Ronaldo et de Lionel Messi. L’ancien joueur du Real Madrid est la personne la plus suivie sur Instagram avec 603 millions de followers. Le portugais compatabilise environ 2.970.000 euros par publication. Il utilise son profil pour promouvoir ses propres marques, notamment des parfums et des hôtels. Quant à Lionel Messi, il demande environ 2.385.000 euros par publication avec ses 485 millions d’abonnés. C’est le moment choisi par ceux qui sont censés nous fournir l’internet haut débit, pour nous priver de cette denrée la mieux consommée sur terre. Mais pourquoi cette privation ?
En guise de réponse à cette grosse interrogation, on nous jette à la figure et ce, sans gêne aucune, sans aucun respect, sans considération aucune, qu’internet n’est pas un droit. Et vous savez ce qu’ils nous ont balancé en plein visage après pour disent-ils attirer des investisseurs dans ce paradis de parodie, c’est l’arrivée de Jean-Claude Van Vaerenbergh, dit Jean-Claude Van Damme, un acteur, réalisateur, producteur de cinéma et pratiquant belge d’arts martiaux de 63 ans et Michael Gerard Tyson, dit Mike Tyson, ancien boxeur américain de 57 ans. Aucun guinéen ne conteste leurs talents, ou ceux qu’ils ont été ou encore ce qu’ils continuent d’être. Heureusement que personne n’a cru à cette farce.
Mais aujourd’hui, ce que les guinéens ont besoin chers dirigeants, c’est l’emploi décent, le juste partage des richesses, le vivre en sécurité avec le minimum de confort, sortir de cette crise que le pays traverse depuis des années et parce qu’on ne peut nier l’évidence, il y’a des guinéens qui souffrent, qui n’ont même pas quelque chose à se mettre sous la dent dans ce paradis, chers messieurs.
Si vous voulez vendre l’image de marque de la Guinée, changez juste de paradigme. Vous pensez qu’un investisseur va placer ses capitaux dans un pays où des chars de combat et des pick-up avec des fusils 12-7 circulent nuit et jour dans une capitale où il peut croiser des militaires dans la rue avec des PM-AK en bandoulière alors que le pays n’est pas en guerre ? Non. Il ne le fera pas, parce que comme dirait l’autre, « l’argent n’aime pas le bruit ».
J’ai juste honte.
Idrissa DIALLO, Journaliste.