La sécurité procède de la conjonction heureuse d’un ensemble d’éléments qui sont : Une organisation composée d’institutions et de structures ; des moyens matériels et financiers ; un personnel qualifié et suffisant pour mettre les moyens en œuvre en vue d’atteindre un objectif bien défini. La défaillance au niveau de l’un ou de plusieurs de ces éléments conduit forcément à l’effet contraire escompté, l’insécurité.
L’ORGANISATION :
Dans notre pays, les institutions chargées de la sécurité ou concourant à son administration sont
D’une part, la Police et la Gendarmerie, chargées du maintien et du rétablissement de l’ordre publique, de constater les infractions à la loi pénale, d’en rechercher les auteurs en vue de les traduire en justice :
Et d’autre part ; la Justice, chargée des sanctions.
Ces trois institutions ont chacune des compétences matérielles et territoriales bien définies et devraient fonctionner concomitamment de façon complémentaire et non concurrentielle.
RELATIONS ENTRE POLICE ET GENDARMERIE
Dans la normalité, la Police devrait évoluer en ville et la Gendarmerie en zone rurale et périurbaine. Mais qu’en est-il dans la réalité ?
La Police et la Gendarmerie évoluent toutes les deux en ville et les zones rurales et périurbaines sont abandonnées ou peu occupées ce qui a fait réapparaitre le phénomène des coupeurs de route, rendant le voyage périlleux dans notre pays.
Mais est ce que pour autant les villes sont sécurisées ? NON ! Pour la simple raison que les deux corps n’opèrent pas en symbiose sur le terrain mais œuvrent dans une concurrence farouche préjudiciable à la bonne marche de la sécurité, chacun tirant la couverture vers soi quitte à dénuder l’autre. Et très souvent, l’argent et les honneurs sont au centre du déchirement. C’est pourquoi, moulte fois gendarmes et policiers en sont venus aux mains au grand dam des justiciables.
QUE FAUT IL FAIRE ?
Cantonner chaque corps dans sa zone de compétence. Mais puisqu’on va alléguer le manque de moyens et de personnel suffisant (réel) on pourrait, dans un premier temps en attendant de corriger ce manque de moyens et de personnel, réserver les communes de Kaloum, Dixinn et Matam exclusivement à la Police et redéployer une partie du personnel gendarme de ces communes dans les communes de Ratoma et Matoto et l’autre partie à l’intérieur en zone rurale ou périurbaine.
Assurer la formation commune de base aux personnels des deux corps au même moment dans un même centre de formation. Cela créera un esprit de confraternité entre les éléments des deux personnels qui auront appris à se connaitre, à s’estimer et à se respecter.
RELATION ENTRE SERVICES DE SECURITE ET JUSTICE :
Si les relations entre Policiers et Gendarmes sont exécrables, les rapports entre ces deux et la justice ne sont pas non plus exempts de nuage.
En effet, la loi préconise que la police judiciaire (la mission d’investigation de la Police et de la Gendarmerie) est placée sous le contrôle du parquet. Dans l’exercice de cette mission de contrôle les magistrats sont souvent amenés à intervenir dans les dossiers pénaux au niveau de la Police ou de la Gendarmerie ; surtout dans les dossiers d’atteinte aux biens où les magistrats agissent très souvent à la demande des avocats qui ont échoué à obtenir la mise à disposition de leurs clients.
En dehors de ces interventions jugées intempestives par les OPJ les parquets accomplissent très peu leur mission de contrôle de la Police Judiciaire.
Or, C’est à cause de cette mission de contrôle que les OPJ bénéficient annuellement d’une habilitation qui leur donne le pouvoir de prendre des mesures de garde à vue, de procéder à des perquisitions et autres actes d’investigations dans le cadre des enquêtes. Les relations entre magistrats et OPJ devraient s’exprimer plus largement dans un flux et reflux de données permettant le suivi de la criminalité au plan nationale pour mettre à la disposition des décideurs les éléments indispensables pour la mise en place d’une politique pénale nationale.
QUE FAUT IL FAIRE ?
– Premièrement, instaurer un système de notation des services et des Officiers de Police judiciaire sur la base du résultat du contrôle de leurs activités (avis au procureur des plaintes et dénonciations reçues, la régularité des mesures de garde à vue et le respect des délais… ) Et lorsque sur la base de cette notation un OPJ perd son habilitation qu’il soit déchu de sa qualité d’OPJ et s’il est titulaire d’un poste de responsabilité qu’il soit remplacé à ce poste. (LE GUINEEN RESPECTE BEAUCOUP CELUI QUI LE NOMME ET CELUI QUI PEUT LE DEMETTRE)
– Deuxièmement, assurer le suivi des dossiers déférés au moyen des fiches dactyloscopiques à compléter et à retourner aux services de Police Judiciaire qui seront ainsi informés de l’issue judiciaire de chaque dossier déféré et participer avec la justice au suivi de l’exécution des peines car il importe peu de prononcer des peines lourdes si celles-ci manquent d’effectivité
MOYENS MATERIELS ET FINANCIERS
Le problème des moyens matériel et financiers est crucial car lié d’une part au niveau de richesse réel du pays, d’autre part, à la volonté politique des décideurs d’allouer au secteur suffisamment de moyens pour faire face aux défis sécuritaires actuels auxquels tous les pays sont confrontés en général et notre pays en particulier.
Si une bonne police est celle qui sait intervenir promptement et efficacement, une très bonne police est celle qui sait prévenir et anticiper sur les évènements permettant ainsi de faire l’économie des crises et des ruptures dans l’ordre public et la paix sociale.
Le manque de moyen a réduit nos services à un rôle purement réactif dénué de toute capacité d’anticipation.
En effet, il est récurrent de constater que le budget du Ministère de la sécurité n’est pas décentralisé et est géré entièrement par le Cabinet du Ministre laissant les Directions Générales dans le dénuement.
La plus grande part de ce budget est consacrée au salaire du personnel. Le peu qui reste est consacré majoritairement au Maintien d’Ordre.
Ainsi reste-il très peu pour l’investissement dans l’équipement, le renseignement et la formation spécialisée.
QUE FAUT-IL FAIRE ?
Investir massivement dans la sécurité autant que faire se peut pour doter la sécurité guinéenne d’un laboratoire de Police Technique et Scientifique et recruter et former le personnel adéquat ; mettre à disposition des équipements techniques et des moyens logistiques dignes d’une police moderne.
Décentraliser le budget du Ministère de la Sécurité de manière à ce que les Directions Générales et les services centraux et déconcentrés disposent de leurs budgets respectifs dont l’ensemble constitue le budget du département.
Notre pays est une cocotte bouillante, à l’instar des autres pays de la sous-région. Il est encore temps de réagir. Si ces mesures ne sont pas prises, le jour où surviendront les évènements que nous appréhendons tout le budget national sera affecté à la sécurité sans garantie de pouvoir y faire face avant longtemps.
LE PERSONNEL :
Le problème du personnel se situe à trois niveaux :
a. Le recrutement : En effet, en Guinée lorsqu’un enfant est récalcitrant et délinquent ses parents le destinent à prendre la tenue au sein des forces de défense et de sécurité ce qui fait que le taux d’agents véreux et indélicats est très élevé au sein des corps de défense et de sécurité. La conséquence d’une telle situation est que ces agents indélicats pour la plupart incultes et mal formés ont une forte propension à commettre eux-mêmes des infractions violentes ou a en fournir les moyens aux malfaiteurs ou aux mieux à aider ces derniers à se soustraire à l’action publique en les mettant au courant des actions visant à les mettre aux arrêts.
Cette situation aurait pu être corrigée au sein de la Police si le personnel de police était formé d’abord par l’Ecole Nationale de Police avant son recrutement. Mais au lieu de cela, c’est le Ministère de la fonction publique qui recrute et met à la disposition du Ministère de la Sécurité des fonctionnaires qu’il est obligé d’utiliser même s’ils ne répondent pas souvent aux critères de sélection au sein de la sécurité.
b. La mauvaise répartition du personnel entre les villes d’une part et entre les services d’autre part.
En effet, la capitale, Conakry et certaines villes jugées florissantes par leurs activités économiques et certains services jugés fructueux (Port, aéroport, routière, BCN Interpol et DCPAF) disposent d’un pléthore d’agents et d’officiers tandis que d’autres villes et services ont un tel déficit de personnel que le minimum est difficilement acquis.
c. La faiblesse des effectifs : le ratio mondial pour une sécurit& optimale est de 400/1.000. C’est-à-dire qu’une ville de deux millions d’habitant comme Conakry devrait disposer de 5.000 policiers bien formés et outillés pour contenir sa criminalité. En Guinée, ce ratio tourne autour de 600 à 700, en dépit des efforts fournis ces derniers temps.
QUE FAUT-IL FAIRE ?
Retirer l’initiative de recrutement du personnel de Police à la Fonction Publique, qui ne doit pouvoir recruter que les éléments ayant satisfaits aux critères de sélection de la sécurité et que le Ministère de la sécurité aura mis à sa disposition après leur formation et non plus l’inverse.
Procéder au recrutement du personnel agent au sein des établissements scolaires du pays ce qui aura pour effet de disposer d’agents jeunes et sachant lire et écrire donc perfectibles.
Retirer la sécurité routière à la Police Nationale et la confier aux communes et ensuite redéployer dans d’autres services à l’intérieur les agents et officiers servant dans les routières.
A ces trois causes, il faut ajouter celles non moins importantes liées aux problèmes de développement économiques : pauvreté, urbanisation, éducation etc.)
La Guinée est un pays aux potentiels de richesse énormes : mais la mauvaise gestion induisant une mauvaise répartition du revenu national a créé, surtout au sein de la jeunesse, une classe de guinéens désespérés et désorienter qui ne pense trouver son salut que dans l’aventure, ou la criminalité.
La richesse des gestionnaires publics tranche tellement sur la pauvreté ambiante que le labeur dans un secteur privé inexistent est devenu rédhibitoire, les jeunes préférant attendre dans les cafés et maquis l’aubaine d’un recrutement hypothétique dans un secteur juteux de l’administration publique.
De là à devenir délinquent il n’y a qu’un pas que bon nombre ont fait vite de franchir.
LES AUTORITES ACTUELLES DOIVENT SERIEUSEMENT PRENDRE LA MESURE DE LA CHOSE ET DECRETER DES DISPOSITIONS SEVERES CONTRE LES GESTIONNAIRES PUBLICS INDELICATS.
Freetown, le 7 avril 2023
Sékou Abdoul Gadiri CONDE
Contrôleur Général de Police à la retraire, Ancien Directeur National de la Police Judiciaire