Le procès des massacres survenus le 28 septembre 2009, s’est ouvert mercredi 28 septembre 2022 à Conakry. L’ancien Président de la transition, le capitaine Moussa Dadis Camara et ses coaccusés étaient à la barre pour se prêter aux questions des magistrats. Plusieurs chefs d’accusation sont portés à leur encontre selon le contenu de l’ordonnance de requalification, de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal criminel. Malheureusement, des hommes du droit font remarquer de « graves irrégularités » ou « violation de procédure » à la fois au cours des enquêtes préliminaires et à l’instruction. Ce qui pourrait à plusieurs points de vus porter atteinte à la « crédibilité » du procès.
Dans le cadre du procès des massacres du stade du 28 septembre de Conakry, quinze (15) anciens dignitaires de la transition du CNDD du Capitaine Dadis Camara, ont été inculpés. Les grands noms sont notamment le Capitaine Moussa Dadis Camara lui-même, Aboubacar Diakité Toumba, Moussa Kegboro Camara, Claude Pivi et feu Général Mamadou Toto Camara.
Pour aider à la manifestation de la vérité, au lendemain des évènements, le Capitaine Dadis à l’époque, avait lancé un appel à la communauté internationale sous l’égide des Nations Unies pour l’ouverture d’une enquête internationale indépendante. En ce moment-là, sur les antennes de la RTG, le bilan annoncé faisait état de 37 morts dont 4 bérets rouge. Ces corps auraient été transportés à la mosquée Fayçal. Il a fallu attendre la deuxième phase de la transition, c’est-à-dire l’avènement du Général Sekouba Konaté au pouvoir après la tentative d’assassinat qui a visé le capitaine Dadis, pour voir les chiffres évolués autour de 157 morts.
A ce niveau, plusieurs questions se posent, dont entre autres : Qui a donc communiqué les 157 morts ? De quel constat et rapport tient-on ces chiffres ? Combien d’hommes et de femmes totalisaient ce bilan ? Les familles ont-elles été répertoriées pour établir l’identité des victimes ?
Sur la marche dite pacifique des forces vives le 28 septembre 2009
D’abord, de plusieurs sources, la manifestation du 28 septembre 2009 n’avait pas été autorisée par les autorités d’alors. Ce pouvoir d’interdiction des « réunions et manifestations publiques » était pleinement consacré à l’article 108 du code pénal d’alors qui disait ceci :
« L’Autorité administrative responsable de l’ordre public peut interdire une réunion ou une manifestation publique s’il existe une menace réelle de trouble à l’ordre public à la suite, entre autres :
1 – De la surexcitation des esprits consécutive à des événements politiques ou sociaux récents ;
2 – De la prévision de manifestations concurremment et concomitamment organisées par des groupements opposés ».
Ensuite, selon les dispositions de l’article 107 du même code en vigueur à l’époque, la déclaration de réunion ou de manifestation publique, devrait indiquer avec précision le but, l’heure, le lieu, la durée de la réunion et l’itinéraire projeté s’il s’agit d’un défilé, d’une marche ou d’un cortège.
Pourtant, selon plusieurs acteurs qui ont fait partie de l’organisation des manifestations du 28 septembre 2009, il n’était nullement prévu de rentrer dans le stade du 28 septembre. Qui a ouvert alors le stade pour accueillir les manifestants ? Les leaders avaient-ils expressément décidé de braver cette interdiction ? Que dit la loi à ce propos ?
« Seront punis d’un emprisonnement de 6 mois à 1 an et d’une amende de 100.000 à 500.000 francs guinéens ceux qui auront fait une déclaration incomplète ou inexacte de nature à tromper l’Autorité administrative sur les conditions de la manifestation projetée ou qui, soit avant le dépôt de la déclaration prescrite à l’article 106 soit après l’interdiction, auront adressé par un moyen quelconque, une convocation à y prendre part. Seront punis d’un emprisonnement de 2 à 5 ans et d’une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs guinéens ceux qui auront participé à l’organisation d’une manifestation non déclarée ou qui a été interdite.
Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, il était dit aussi que les coupables pourront être condamnés à l’interdiction de séjour dans les conditions prévues à l’article 40 du présent Code », selon l’article 109.
Plus loin, l’article 119 stipule : « Tout défilé, tout cortège, toute manifestation publique doit avoir un comité d’organisation composé de cinq personnes. Ce comité est chargé de maintenir l’ordre et d’empêcher toute infraction aux lois et règlements en vigueur. Les membres du comité d’organisation sont responsables des infractions aux dispositions du présent article et à celles de l’article 118 ci-dessus ».
Ainsi, sur la base des articles susmentionnés, les organisateurs de la manifestation du 28 septembre devraient être entendus, confrontés aux mis en cause, voire même inculpés. Rien de tout cela n’a été fait. Pourquoi ?
Pire, des leaders politiques organisateurs de la marche, ont bénéficié d’un dédommagement pour dit-on avoir enregistré des actes de vandalisme de la part des hommes en uniforme dans leurs domiciles. Il s’agit entre autres de feu Jean-Marie Doré, Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo. Chacun d’eux a bénéficié d’un montant de deux milliards de nos francs. Ce qui n’a nullement obéi à la loi parce qu’en pareil cas, il n’appartient qu’à la justice d’ordonner le dédommagement cela après un jugement et sur la base d’un constat d’huissier.
Là aussi, des questions se posent : sur quelle base ont-ils procédé à ce dédommagement ? quel constat d’huissier a évalué les pertes ? qu’est-ce qui explique l’uniformité de ces montants pour les trois (3) leaders ?
Sur le contenu de l’ordonnance de requalification, de non-lieu partiel et de renvoi, en date du 29 décembre 2017, plusieurs chefs d’accusation sont reprochés aux personnes inculpées. Il s’agit entre autres de meurtres, assassinats, viols, pillages, tortures, enlèvements et séquestrations. Cela au terme des enquêtes préliminaires et les auditions menées par le cabinet de pool de juges d’instruction. Sauf que malheureusement, les procédures indiquées par la loi n’auraient pas toutes été respectées. Il s’agit notamment des dispositions de l’article 109 de la constitution de mai 2010 qui stipule dans ses dispositions que : « le droit à l’assistance d’un avocat est reconnu dès l’instant de l’interpellation ou de la détention ». Malgré, des informations font croire que les mis en cause n’auraient jamais été assistés de leurs avocats ni à l’enquête préliminaire, ni à l’instruction. C’est le cas notamment du Colonel Kegboro.
L’autre remarque, est la non-confrontation des inculpés et la partie civile par les officiers de police judiciaire à l’enquête préliminaire et par les juges d’instruction. A ce niveau, les articles 106, 108, 109, 119 et 121 de l’ancien code de procédure pénale n’auraient pas été respectés.
Au regard des déclarations faites sur la situation de certaines victimes dudit évènement, les dispositions de l’article 121 par exemple, devraient être respectés.
« Toutefois, en cas d’urgence résultant soit de l’état d’un témoin ou d’un co-inculpé en danger de mort, soit de l’existence d’indices sur le point de disparaître, le Juge d’Instruction peut procéder à des interrogatoires et confrontations sans observer les formalités prévues à l’article précédent. Le procès-verbal doit faire mention des causes d’urgence ».
Dans la même ordonnance, les plaignants sont nommés ainsi qu’il suit :
- Oury Baîlo Bah ; Aissatou Barry et plusieurs autres ;
- La Fédération Internationale des Ligues de Droits de l’Homme (FIDH) ;
- L’Organisation Guinéenne de Défense des Droits de l’Homme et du Citoyen (OGDH)
- L’Association des Victimes, Parents et Amis du 28 septembre 2009 (AVIPA).
D’après nos enquêtes, aucune de ces personnes, encore moins les organisations citées, n’ont été entendus par le cabinet du pool de juges d’instruction.
Également, en lieu et place de « plusieurs autres », la loi exige que tous les plaignants soient nommément cités.
Outre ces éléments, d’autres questionnements se font autour des informations faisant état de 109 cas de viols. Les certificats médicaux délivrés, auraient été établis par la clinique Mère et Enfant et une autre clinique Dakaroise. Pourtant, à l’époque des faits, la seule structure hospitalière qui disposait d’un service de médecine légale en Guinée, est l’hôpital Ignace Deen.
Qui sont les médecins légistes qui ont alors délivré les certificats de viols au niveau de la clinique Mère et Enfant ?
Par ailleurs, d’après nos enquêtes, peu avant le regroupement des militants au stade du 28 septembre, les commissariats de Bellevue et du stade auraient été vandalisés par un groupe de manifestants. Des armes auraient été emportées. Par qui ? Qu’est-ce qu’ils en ont fait ?
Selon d’autres renseignements, la veille de la manifestation du 28 septembre 2009, le Premier ministre Kabinet Komara, le Secrétaire Général des Affaires religieuses Elhadj Moustapha Koutoubou Sanoh, le grand imam de la mosquée Fayçal Elhadj Mamadou Saliou Camara et Hadja Nanfadima Magassouba du REFEMPG, auraient entrepris des démarches auprès des leaders politiques pour surseoir à leur décision.
Ahmed Tidiane Cissé, ancien ministre de la culture, à l’époque Président des forces vives, aurait déclaré à ces missionnaires qu’ils (leaders), savent qu’il aura bien des morts. Mais que l’ambassadeur Français d’alors Jean-Michel Berrit, les aurait déclarés qu’il faut à tout prix aller à cette manifestation pour pouvoir bénéficier du soutien de la France.
Au regard des remarques, ajoutés à cela les dispositions prescrites aux articles 116 et 120 du code de procédure pénale, ce qui en vertu de l’article 176 du même code, pourrait expliquer la nullité de l’information. En conséquence, pour la manifestation de la vérité, la reprise de l’instruction doit être faite dans le strict respect de la loi.
Mamoudou Babila KEITA