Ils sont plusieurs dizaines voire des centaines de fonctionnaires de l’Etat guinéen salariés depuis plus de 50 ans. Ces vieux cadres engagés à la fonction publique entre 1960 et 1980 qui n’ont jamais été concernés par les décisions de mise à la retraite, occupent pour la plupart des hautes fonctions dans différents services de l’administration. Cette réalité qui semble échapper au contrôle des autorités compétentes en la matière, a été dénoncée récemment par le Président de la République lui-même.
En Guinée, <<les éternels fonctionnaires » qui ne vont jamais à la retraite, sont très nombreux dans l’administration publique. Ils sont présents dans presque tous les départements et personne n’ose les dénoncer. Pourtant, cette situation déplorable et déshonorante pour le pays, mérite d’être combattue pour faire de la place aux jeunes diplômés en chômage dont le nombre s’accroît tous les ans.
Au cours d’une enquête que nous avions menée récemment sur cette pratique au sein de la fonction publique, la plupart des cas dénoncés se retrouvent dans l’effectif de la direction générale des douanes. Et justement, les constats effectués à ce niveau, ont révélé plusieurs cas qui depuis 1967 jusqu’à 1980, sont dans l’effectif des douaniers et occupent des hautes fonctions.
Pour comprendre, sur la foi des éléments que nous avions obtenus, ce sont plusieurs dizaines de douaniers de la hiérarchie qui sont dans cette situation. Certains sont à près de 60 ans de service à la douane et d’autres entre 40 et 50 ans. Donc, engagés depuis la première République.
A titre illustratif, le 6 novembre 1970, le régime révolutionnaire de feu Ahmed Sekou Touré, avait lancé un concours direct pour le recrutement de 130 agents de brigade des douanes. Dans le délibéré de la commission de correction rendu par arrêté du Secrétaire d’Etat en charge de la Fonction Publique et du Travail, en date du 21 juillet 1971 et dont nous détenons copie, 42 cadres professionnels dont sept femmes avaient été admis à ce concours et engagés à la douane. Le premier par ordre de mérite était Moko Benta Camara et le dernier Sory Diallo.
Aujourd’hui, nombreux parmi ces 42 douaniers sont morts et d’autres à la retraite. Curieusement, dans le même lot, il y a bien d’autres encore qui sont toujours fonctionnaires à la douane et qui occupent de hautes fonctions. Ceux retraités assistent impuissamment à cette forme d’injustice sans aucune voie de recours alors que certains de leurs camarades qui depuis 50 ans continuent à servir en qualité de fonctionnaires. Ils sont pour la plupart des directeurs, des chefs de brigade, des chefs de sections etc.
Loin de cette promotion de 1971, il y a bien d’autres officiers des douanes toujours en activité qui appartiennent aux classes de 1967, 68, 74, 75, 76, 78 et 80. Ces douaniers qui visiblement ne sont pas destinés à la retraite, sont presque tous sur la première ligne de commandement à la direction générale des douanes.
Cette pratique que nous qualifions de magouille, ne peut nullement exister sans la complicité des cadres du département de la fonction publique et de la direction générale des douanes. La douane étant l’une des régies financières les plus importantes de l’Etat, il y a moins de questions à se poser sur comment ces cadres arrivent à se maintenir en fonction durant plusieurs décennies sans jamais songer à la retraite.
Le Président Alpha Condé, si l’on s’en tient à ses propos tenus récemment au forum des investisseurs, est bien au courant de cette réalité qui touche presque tous les services de son administration. Malheureusement, aucune disposition concrète n’est prise en tout cas officiellement pour tenter de guérir ce mal. La volonté de ‘’Gouverner Autrement’’, doit se faire sentir à ce niveau.
L’autre forme d’injustice et de mépris, est que certains douaniers expérimentés qui ont fait des hautes études à l’international, sont aujourd’hui laissés pour compte. A titre d’exemple, certains d’entre eux qui depuis 10 ans portent le grade de colonel, ont été complètement écartés de la liste d’avancement général en grade qui a été fait récemment. Ils se retrouvent au même niveau aujourd’hui ou presque, avec ceux qui ont intégré les douanes il y a 10 ou 15 ans.
Au même moment, certains d’entre eux continuent à faire le subordonné des anciens qui n’ont jamais suivi de formation appropriée en douane, et d’autres, malgré leurs jeunes âges comparativement à d’autres, seraient déjà à la retraite en laissant en fonction leurs « pères et grands-pères ».
Nous y reviendrons prochainement avec les noms et les fonctions de ces vieux douaniers exemptés de la retraite par le fait d’une pratique qui est connue de tous les Guinéens.
Mamoudou Babila KEÏTA