On accuse un journaliste de trouble au moral de l’armée. Quelques jours après le pouvoir reconnaît tacitement les difficultés que rencontrent les hommes en uniforme. On accuse un journaliste d’avoir insulté toute la société guinéenne, on va jusqu’à le priver de micro pendant un mois. Après le législateur modifie la disposition du code civil dont il a tenté d’expliquer les insuffisances. On enclenche une campagne de lutte contre la corruption, le président va jusqu’à demander des preuves aux acteurs de la société civile, un journaliste produit un article pour alerter sur une opération de détournement en cours, on l’envoie en prison.
Qu’attend-on donc de la presse ? Ce n’est pas la libération de Lansana Camara seulement qui réjouit. Le journaliste, notre confrère ne devrait passer une seule heure en détention. La loi a été violée. Ce qui nous réjoui est surtout de savoir que la presse ne veut pas céder à l’intimidation. Elle a relayé et largement commenté l’article incriminé. Elle a soutenu Lansana, elle a soutenu Conakrylive et tous ces guinéens épris de justice. La presse, le syndicat des journalistes du privé, les journalistes reporters, les confrères des médias d’Etat. De plus en plus, la corporation prend conscience de la nécessité de résister. Résister aux administrateurs corrompus qui détestent être dénoncés. Résister aux militaires, policiers et gendarmes souvent violents avec les hommes et femmes de la plume et du micro. Résister aux attaques et menaces impertinentes des militants de partis politiques.
La corporation résiste et vivra dans ce pays qui en dépit de tout, a le mérite de vouloir la liberté. Il l’a voulu et l’a obtenue avant plusieurs autres colonies occidentales de l’Afrique. Ce pays a prôné la liberté et accompagné les luttes de libération dans toutes les régions du continent. Liberté, c’est même le nom que les pères fondateurs ont donné à notre hymne national. Ceux qui militent pour l’oppression, la barbarie, l’anarchie ne gagneront pas. Ils vont continuer à se morfondre en vain. Notre détermination est de taille.
Nous sommes les confrères des journalistes d’investigation Ahmed Hussein-Suale du Ghana tué il y a un peu plus de deux mois, Guy André Kieffer, disparu en Côte d’Ivoire, Norbert Zongo du Burkina Faso, de Mohamed Koula Diallo de la Guinée et de tous ceux qui avant eux ont souffert pour la liberté. Nous sommes les disciples de Caton du nom de deux éditeurs londoniens qui ont soutenu l’idée selon laquelle le fait d’avoir dit la vérité pourrait être un élément de défense contre l’accusation de diffamation. Nous sommes des disciples de Benjamin Franklin et de John Peter Zenger qui les premiers se sont appropriés de cette idée, sans doute placée au cœur du combat gagné depuis le 18ème siècle pour la liberté d’expression et de la presse aux Etats unis.
La vérité prime surtout : devons nous rappeler encore. Relayer ou partager une information qui est vraie, n’est pas de la diffamation, même si elle nuit à la réputation de la personne visée. Un procès équitable nous permettrait de connaître la vérité. Y a-t-il eu surfacturation de bons de carburant au ministère des affaires étrangères ou une volonté de le faire ? Le ministre peut donner une conférence avec des preuves matérielles solides pour dissiper tout soupçon. Pour l’heure, on ne peut pas ne pas croire au contenu de l’article de Lansana Camara. Au vérificateur général de vérifier.
Jacques Lewa Léno